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VUILLEMIN JULES (1920-2001)

C'est en 1962 que Jules Vuillemin succède à Maurice Merleau-Ponty à la chaire de philosophie de la connaissance au Collège de France. C'est le couronnement mérité d'une carrière qui a débuté, après un enseignement dans le secondaire et un passage au Centre national de la recherche scientifique, à l'université de Clermont-Ferrand.

Chez Jules Vuillemin, les incursions dans l'histoire de la philosophie sont toujours doublées par la recherche de ce qui en fonde la systématicité. Martial Gueroult aura été l'inspirateur de ses travaux et le maître dont il se reconnaîtra le disciple. „L'histoire de la philosophie peut être une science“, „la philosophie est elle-même une science“ – tels sont les deux postulats que Jules Vuillemin inscrit au seuil de Physique et métaphysique kantiennes (1955). Il serait faux, toutefois, de voir en lui un scientiste ou un positiviste. Trop fin connaisseur de l'histoire de la philosophie – ce dont témoignent L'Héritage kantien et la révolution copernicienne, Fichte, Cohen, Heidegger (1954), Mathématiques et métaphysique chez Descartes (1960), De la logique à la théologie, cinq études sur Aristote (1967), Le Dieu d'Anselme et les apparences de la raison (1971), L'Intuitionnisme kantien (1994) – il ne pouvait accepter de la voir réduire à un schéma univoque et simpliste. Au contraire, il s'attache à montrer dans ses travaux comment chaque système philosophique, en tant qu'exercice pur de la raison, engendre son type propre de questions et de réponses qui entretient des rapports privilégiés avec les sciences. Dans Rebâtir l'Université (1968), en bon kantien, Jules Vuillemin met en garde contre les périls qu'il y a à accepter „l'opacité transparente que les produits de la raison opposent à la raison même“. Car la connaissance philosophique est le résultat d'un certain travail de la raison sur elle-même. À ce titre, elle tend naturellement à élaborer des structures ou systèmes qu'il serait vain de vouloir mesurer à l'aune de critères aussi bien théologiques que scientifiques.

Dans son grand livre, Nécessité ou contingence (l'aporie de Diodore et les systèmes philosophiques) (1984), Jules Vuillemin a donné l'essentiel de son enseignement : à travers l'analyse fouillée et difficile des apories engendrées depuis l'Antiquité par ce que l'on a appelé „l'argument dominateur“, il élabore une architectonique des systèmes philosophiques à la lumière des prémisses mises en place. „Réalisme, conceptualisme, nominalisme, intuitionnisme et scepticisme“ se partagent ainsi le champ de la philosophie depuis l'Antiquité, et il est possible d'en reconstituer les structures sous-jacentes à partir des principes acceptés. S'attachant ainsi au problème de la liberté et du destin, J. Vuillemin renoue certainement ici, quoique de tout autre façon, avec les interrogations d'inspiration encore existentialistes qu'il avait consignées dans son premier livre, Le Sens du destin (1948).

Refusant toute concession aux modes, farouchement solitaire, souvent méconnu jusques et y compris par les philosophes anglo-saxons, tels Moore, Carnap, Whitehead, Russell, qu'il contribua pourtant à faire découvrir en France – Leçons sur la première philosophie de Russell (1968), What are Philosophical Systems ? (1986) – Jules Vuillemin a également donné, part encore plus méconnue de sa personnalité, deux œuvres littéraires : Le Miroir de Venise (1965) et Trois Histoires de guerre (1991). Il est enfin l'auteur d'Éléments de poétiques (1991). Comme l'a dit, pour saluer sa mémoire, Pierre Bourdieu, son collègue au Collège de France, il „incarnait une idée de la philosophie trop grande pour être communicable. Il faut espérer que son œuvre, dont s'est silencieusement nourrie[...]

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