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ZIEGLER JULES (1804-1856)

Élève d'Ingres et disciple de la première heure, Jules Ziegler appartient à l'histoire du romantisme français. Il en a fréquenté les acteurs, artistes et poètes, et partagé les valeurs. Son œuvre peint, marqué par l'Espagne de Zurbarán, témoigne de l'indépendance d'esprit qui régnait parmi les représentants de l'ingrisme sous la monarchie de Juillet. Mais sa contribution au renouvellement artistique s'étend aussi à la céramique d'art et à la photographie qu'il aborde en praticien audacieux et en solide théoricien. Cette figure oubliée des années 1830-1850 mérite à plus d'un titre l'intérêt qu'elle suscite à nouveau.

L'autre romantisme

Maurice Denis n'a pas oublié de mentionner Ziegler dans le célèbre bilan de l'ingrisme qu'il rédigea en 1902 pour la revue L'Occident. Le peintre était selon lui condamné à ne plus jamais sortir de l'oubli qui recouvrait déjà son œuvre. Son éclectisme, si loin de la pureté d'Ingres et de la naïveté de ses meilleurs disciples, faisait de lui un apostat et presque un suiveur de Paul Delaroche. À la suite de Maurice Denis, les historiens d'art Louis Dimier, Léon Rosenthal et Henri Focillon ont confirmé, accusé ce jugement négatif. Il fallut attendre les années 1970-1980 et notamment les travaux de Bruno Foucart sur l'art religieux pour qu'une réévaluation de Ziegler fût à nouveau possible dans l'élargissement alors permis de la notion de romantisme.

Affranchi de l'évolutionnisme qui jugeait l'art du xixe siècle à l'aune d'une hypothétique autonomisation des moyens formels, l'art des années 1820-1850 offrait à nouveau à l'analyse son tissu complexe, ses interférences oubliées, ses aspects méconnus. Ziegler pouvait y reprendre place aux côtés de Géricault, qu'il admirait, de Delacroix, qu'il fréquenta un peu, et de tous les écrivains dont il fut proche à certains moments de sa courte existence : Hugo, Vigny, Dumas et surtout Théophile Gautier, qui reste son meilleur avocat. En 1863, Charles Blanc pouvait sans se tromper écrire dans son Histoire des peintres de toutes les écoles que Ziegler « a eu son moment de succès et d'éclat ». Cette brève vogue correspond aux années 1833-1839 qui sont d'ailleurs celles où l'ingrisme apparaît au Salon comme une alternative au romantisme issu de Gros, Géricault et Delacroix. Face à ces fossoyeurs du beau idéal au nom du vrai expressif, l'esthétique ingresque cherchait à accorder différemment vérité et noblesse formelle.

Né à Langres en 1804 dans un milieu de riches propriétaires terriens, quelques mois avant le sacre de Napoléon, Ziegler entreprend des études de droit mais il abandonne rapidement le barreau pour les pinceaux. En 1825 il intègre à Paris l'atelier de François-Joseph Heim (1787-1865). Ce maître énergique est d'un néo-classicisme moins davidien que caravagesque. Cette empreinte réaliste marquera durablement Ziegler. Mais à la fin de l'année 1826, poussé sans doute par le succès d'Ingres au Salon historique de 1824, il rejoint l'atelier de ce dernier. Selon Amaury-Duval qui le connut alors, le nouveau disciple est ardent au travail, impatient d'arriver, au point qu'il se présente au Salon de 1827-1828 – celui du Sardanapale de Delacroix – avec Henri de Navarre, Marguerite de Valois et Turenne (musée des Beaux-Arts d'Arras), si dégradé qu'il est difficile à analyser aujourd'hui. L'ingrisme cependant n'en est pas la vertu première, ce qui témoigne de l'indépendance de l'élève et annonce ses futures et incessantes variations stylistiques. La production des années 1828-1830, qu'il expose notamment dans les salons à lumière zénithale du musée Colbert, 2, rue Vivienne, avec tous les représentants[...]

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