CAMERON JULIA MARGARET (1815-1879)
Une certaine tentation picturale, teintée d'esthétisme et d'artifice, caractérise l'œuvre photographique de Julia Margaret Cameron, exclusivement consacrée à la figure humaine.
Personnalité excentrique, Julia Margaret, deuxième des sept sœurs Pattle, naquit le 11 juin 1815, à Calcutta ; son père, James Pattle, y exerçait de hautes fonctions à la Compagnie des Indes, et sa mère, Adeline de l'Étang, d'origine française, était célèbre pour sa beauté. C'est par un heureux hasard — un appareil photographique offert en 1863 par sa fille — que Julia Margaret, à quarante-sept ans, s'initie au maniement de la camera oscura, qui allait très vite devenir une passion dévorante. Épouse d'un juriste renommé et fortuné, elle conçoit le projet d'« immortaliser » les célébrités de son temps. Elle les côtoie, en effet, grâce aux riches alliances de ses sœurs, en particulier Sarah Prinsep, qui tenait dans sa résidence londonienne Little Holland House un salon fameux où des artistes et des intellectuels — Thackeray, Browning, Ruskin, Herschel, Millais, Rossetti, Burne-Jones — étaient des habitués. Par ailleurs, son amitié avec le peintre George Watts et le poète Alfred Tennyson, voisins immédiats de Dimbola Lodge, la grande maison de Freshwater dans l'île de Wight où vivait la famille Cameron depuis 1860, la mettait en contact avec toute l'intelligentsia de l'Angleterre victorienne. Le cénacle de l'île de Wight constituait ainsi par son atmosphère exaltée un milieu propice à la création artistique. Les liens unissant J. M. Cameron à tous ces artistes la plaçaient au sein de l'avant-garde : fervente adepte des préraphaélites, elle chercha à les égaler, notamment dans ses compositions d'imagination, mises en scène d'allégories poétiques ou de thèmes légendaires. Les photographies de ses nièces préférées (Julia Jackson, May Prinsep, Pinkie Ritchie...), représentées en héroïnes bibliques, en madones, en saintes ou en reines — variations de profils langoureux et affectés, visages chargés d'effusion vague, chevelures défaites dans des halos brumeux —, puisaient aussi bien dans la peinture préraphaélite que dans la poésie chargée de mysticisme de Tennyson pour lequel elle illustra d'ailleurs en 1874 les Idylls of a King. Angelots, chérubins, cupidons ailés constituent également une série d'études, qui traduisent, souvent de façon assez mièvre, l'attachement de la société victorienne à une certaine idéalisation de l'enfance.
Le flou si caractéristique des photographies de Julia Margaret Cameron, d'abord involontaire — elle utilisait des objectifs approximatifs qui estompaient les détails —, fut ensuite provoqué et recherché à dessein, afin d'exprimer l'aura spirituelle ou mélancolique de ses modèles. Membre de la Photographic Society of London, elle participa à de nombreuses expositions et organisa même des expositions personnelles dans des galeries privées, en particulier en 1865, chez Colnaghi, qui allait par la suite se charger de la vente de ses photographies. De retour à Ceylan, elle mourut le 29 janvier 1879 à Bogawantawa. C'est sa petite nièce, Virginia Woolf, qui sera, avec Roger Fry, à l'origine de la redécouverte de son œuvre en lui consacrant, en 1926, une première monographie.
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Écrit par
- Elvire PEREGO : historienne de la photographie, département de la recherche bibliographique, Bibliothèque nationale de France
Classification
Médias
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