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AJURIAGUERRA JULIAN DE (1911-1993)

Né au Pays basque espagnol, Julian de Ajuriaguerra (“Ajuria” pour ses élèves et ses amis) fut élevé dans un milieu traditionnel. Marqué par la position politique, religieuse et culturelle de son pays d'origine, il s'engagea cependant dans les forces républicaines qui luttaient contre Franco. Arrivé en France, il y reprendra la lutte, sous d'autres formes.

Il rencontra alors de jeunes psychiatres français qui voulaient avant tout mieux lutter pour l'insertion des malades dans la vie sociale : ce cercle de la “révolution psychiatrique” était composé en particulier de L. Bonafé, L. Le Guillant, du bouillant Tosquelles, espagnol lui aussi ; ce groupe s'autodésigna sous le nom de Batia, un terme basque qui signifie Tous ensemble (titre du premier et dernier volume de la collection publiée en 1947, à Paris, chez Hermann). Ces compagnons furent le premier noyau d'amis dévoués qui contribuèrent de façon si décisive aux changements de la psychiatrie encore largement carcérale dans notre pays.

Interne des hôpitaux psychiatriques de la Seine, Ajuriaguerra fut nommé professeur agrégé de neuropsychiatrie à titre étranger, ce qui ne lui conféra aucun droit à devenir chef de service. En 1958, il accepta de diriger la psychiatrie à Genève et il transforma alors l'hôpital de Bel Air en un service accueillant auquel furent adjoints, selon ses recommandations, des services à temps partiel en ville. Ajuriaguerra avait su s'entourer d'un certain nombre de jeunes et éminents collègues pour animer les départements qu'il avait fait créer : chimiothérapie, ergothérapie et ateliers, psychothérapie et polyclinique, etc. En 1976, il quitta Genève pour Paris, où une chaire consacrée à l'étude du développement psychobiologique fut créée pour lui au Collège de France. Il convient encore de rappeler que Ajuria se forma à la psychanalyse à l'Institut de formation de la Société psychanalytique de Paris et qu'il exerça cette profession à Genève.

L'œuvre écrite d'Ajuriaguerra reflète son parcours professionnel. Neurologue moderne, il publia en 1942 avec Jean Lhermitte un ouvrage consacré à la psychopathologie de la vision : il ne s'agit pas d'un livre où les auteurs se contentent de lier les lésions et les troubles oculaires, mais d'un ensemble de textes associant les perspectives neuropsychologiques et psychopathologiques de la façon la plus moderne. Une place importante y est en effet accordée aux agnosies visuelles, à la différence entre les hallucinoses et les hallucinations visuelles des troubles mentaux.

En 1943, Henri Ey, dont on dira plus loin le rôle, organisa un colloque sur les rapports entre neurologie et psychiatrie : avec Hécaen, Ajuriaguerra y présenta un rapport où était dénoncée l'opposition simpliste entre organogenèse et psychogenèse des troubles mentaux. Ces deux auteurs plaidaient pour une psychopathologie plus moniste. Plutôt qu'à la théorie “organo-dynamique” de Henri Ey, les auteurs préféraient se référer à une sémiologie et à une clinique orientées autour des troubles des fonctions symboliques.

Après la guerre, Ajuriaguerra fit paraître un livre sur le cortex cérébral en collaboration avec Hécaen et publia en 1971, chez Masson, un Manuel de psychiatrie de l'enfant. Avec René Diatkine et l'auteur de cette notice, Ajuria fonda la revue bisannuelle Psychiatrie de l'enfant et codirigea avec eux la section “enfants” de la collection Fil rouge aux Presses universitaires de France.

L'influence d'Ajuria sur les modifications de la psychiatrie en France a été considérable. Après la Seconde Guerre mondiale, les jeunes psychiatres en formation avaient pris l'habitude de fréquenter l'enseignement de Henri Ey, venu chaque semaine de son hôpital de Bonneval définir les bases de la transmission d'une psychopathologie moderne, soit[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent, université de Paris-Sud.

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