BENDA JULIEN (1867-1956)
Un écrivain
Juif donc, et même dreyfusard, et pour cette raison privé au dernier moment du prix Goncourt qui lui semblait acquis en 1912 : Les Filles de la pluie d'André Savignon l'emportèrent parce qu'un quelconque Léon Hennique fit peser dans la décision le poids de son préjugé antidreyfusard, antisémite.
Malgré cet incident, ne considérons pas l'auteur de L' Ordination et celui de La Croix de roses comme un romancier dévoyé, que le dépit détourna vers les idées. Bien qu'il eût du style, le style des autres n'était pas son fort, ni l'imagination affective des créateurs. La France byzantine condamne pêle-mêle, également exécrables, Marcel Proust et Paul Valéry, André Gide et Mallarmé, Alain et Thibaudet, Suarès et Giraudoux, André Breton et dix autres « byzantins » : tous ceux qu'il estimait coupables de romantisme, ou de préciosité. Son essai sur quelques constantes de l'esprit humain expédie dans la même charrette des philosophes aussi divers que Bergson, Bachelard, Brunschvicg et Rougier, également qualifiés de « derviches tourneurs ». S'il n'avait souffert de son « assez grande situation d'homme obscur », peut-être Benda eût-il marqué moins de persévérance à dénigrer tous ceux qui occupaient l'attention de la presse et du public. Peut-être eût-il été meilleur critique.
Mais l'auteur du Bergsonisme, ou Une philosophie de la mobilité, l'essayiste de Belphégor, l'auteur de La Trahison des clercs et de La Fin de l'éternel, l'auteur enfin de cette trilogie autobiographique, La Jeunesse d'un clerc, Un régulier dans le siècle, Exercice d'un enterré vif, est assurément un écrivain de premier ordre. Il propose à l'homme de ce siècle un idéal un peu plus exaltant que celui que nous vendent les sociétés qui se prétendent d'abondance (producteur, consommateur) ou que celui que nous imposent les sociétés totalitaires (militant, militarisé, dont l'esprit, et non pas seulement les cheveux, est passé au double zéro). Benda, ou le clerc.
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Écrit par
- ETIEMBLE : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur honoraire à l'université de Paris-IV
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Autres références
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REFUS ET VIOLENCES (J. Verdès-Leroux) - Fiche de lecture
- Écrit par Jacques LECARME
- 1 646 mots
Il faut d'abord saluer le travail énorme, méthodique et maîtrisé de Jeannine Verdès-Leroux, qui entreprend, avec Refus et violences (Gallimard), de brosser le tableau d'une génération d'écrivains d'extrême droite. Personne, avant elle, n'avait inventorié cette masse de...