CARO BAROJA JULIO (1914-1995)
Anthropologue, historien et écrivain, Julio Caro Baroja a mené une vie partagée entre Madrid et le Pays basque, circonstance qui marque la complexité du personnage. Dès l'enfance, il fut affecté par un diabète, qui devait l'emporter le 18 août 1995. Il est né le 13 novembre 1914 à Madrid, dans une famille de la bourgeoisie libérale. Son père, de caractère mélancolique et instable, était imprimeur et éditeur. Le jeune Julio sera surtout influencé par la famille de sa mère, femme de grands talents intellectuels et artistiques, sœur du romancier célèbre et controversé Pío Baroja et du peintre Ricardo Baroja. Ces deux oncles célibataires vivront au sein de la famille aussi bien au domicile madrilène que lors des séjours à Itzea, la propriété familiale sise à Vera de Bidassoa, en Navarre. Cette massive ferme basque achetée par l'oncle Pío en 1912 était devenue le symbole et le refuge de toute la famille.
Il aurait pu être peintre, romancier, philosophe ou encore politicien, à l'imitation de ses oncles, de sa mère et de leur cercle d'amis. Il devint finalement “Don Julio” : un sage humaniste d'une curiosité encyclopédique. Un attrait marqué pour la solitude et l'absence d'obligations familiales ou professionnelles lui permirent de se plonger dans les livres durant de longues retraites à Itzea. Son domicile madrilène et l'imprimerie de son père ont vu défiler des personnalités telles qu'Azorín, d'Ors y Rovira, Azaña, Valle Inclán, Unamuno, Ortega y Gasset et bien d'autres encore. Il passe son baccalauréat à Madrid et commence ses études d'histoire ancienne et de préhistoire à l'université de Madrid en 1931. Des professeurs l'aideront à s'orienter : Obermeyer en préhistoire, Trimborn en ethnologie, Menéndez Pidal en littérature... Dès l'âge de quinze ans, il avait fait la connaissance des ethnographes basques Telesforo de Aranzadi et José Miguel de Barandiarán, qu'il reconnaîtra pour ses maîtres. Ils lui transmirent leur méthode de travail pour la collecte des coutumes, du folklore, de la préhistoire et de la langue basques. Une grande part de ses travaux sera consacrée à l'étude documentée et démystifiante de la culture basque.
Durant la guerre civile, il vit reclus à Itzea, où il n'échappe à la dépression que par une frénésie de lecture. Son oncle Pío, anticlérical, ne trouve de salut que dans la fuite en France. L'imprimerie paternelle est détruite par les bombardements. La guerre terminée, il retourne à Madrid pour achever sa licence d'histoire ancienne et son doctorat, obtenus tous deux cum laude. Sa thèse, Cultes et rites anciens dans le folklore d'Espagne, traite déjà du rapport entre le festif et le religieux, thème récurrent de son œuvre. En 1943, il obtient une place d'assistant à l'université de Madrid. Sa situation économique pénible le pousse à chercher du travail auprès de l'Institut britannique et à prendre contact avec le Conseil supérieur de la recherche scientifique (C.S.I.C.) et le Musée anthropologique. En 1944, il est nommé directeur du musée du Peuple espagnol, fonction qu'il appréciera au point de la conserver onze années durant. Il démissionnera pourtant, tout comme il abandonnera sa chaire à l'université. Cette marginalité vis-à-vis des cadres théoriques et institutionnels, tous les Baroja l'avaient en partage. Julio Caro Baroja n'a pas fait carrière à l'université ni n'a été d'aucune école. C'est à son propre compte qu'il s'est formé à l'anthropologie, par la pratique des auteurs de l'anthropologie sociale anglaise et de l'anthropologie culturelle américaine. Mais il ne les suivit pas dans leur parti pris synchroniste. Sa méthode d'analyse de la société, plus ethnohistorique, privilégiait la diachronie. En cela[...]
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Écrit par
- Rafael BRIONES GÓMEZ : docteur en sciences des religions (anthropologie), professeur titulaire d'anthropologie sociale à l'université de Grenade, Espagne
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