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CORTÁZAR JULIO (1914-1984)

Un destructeur

Un des problèmes qui préoccupent le plus Cortázar est celui du temps : il cherche à en détruire les notions conventionnelles, et procède de même pour l'espace. Ainsi, un personnage se trouve simultanément victime d'un accident de moto dans le Buenos Aires contemporain, et proie de la « guerre fleurie » des Aztèques ; un autre franchit le passage de Güelmes dans la capitale argentine des années quarante pour se retrouver passage Vivienne, dans le Paris de Lautréamont ; une lettre répond à celle qui n'est pas encore reçue ; une jeune fille assimile son ami actuel à un Allemand qu'elle a connu vingt ans auparavant, sous l'occupation. Ponts et planches sont les symboles du passage d'un temps à l'autre.

Les catégories habituelles de l'entendement éclatent, les principes logiques sont mis à l'épreuve, même le principe d'identité n'est pas épargné.

Cette irrationalité de l'œuvre ne doit cependant pas faire illusion et la rejeter dans la littérature d'évasion. Si les premiers contes de Cortázar dénotent une tendance à l'esthétisme, ils n'en poursuivent pas moins une analyse destructrice de la bourgeoisie argentine pré-péroniste ; pour l'auteur, en effet, l'exercice de la littérature est un acte révolutionnaire par nature, un instrument de réforme et de rénovation. C'est parce qu'on « ne peut transformer l'homme sans transformer ses instruments de connaissance » qu'il s'attaque directement au langage, après en avoir utilisé toutes les techniques formelles.

Humoriste visionnaire, théoricien littéraire redoutable, rénovateur infatigable, Julio Cortázar, profondément argentin, est avant tout un homme libre. Il a sa place, avec le Mexicain Octavio Paz, à l'avant-garde de la littérature contemporaine.

Certains critiques reprochent à Cortázar de pratiquer de plus en plus l'interpénétration des genres. Ils le récusent comme conteur, et encore plus comme romancier. Scandalisés par ses cronopios, d'autres regrettent ce qu'ils appellent son goût de l'arbitraire, le plaisir qu'il semble prendre à surprendre le lecteur. Il faut enfin reconnaître que son style systématiquement allusif ainsi que son hyperintellectualisme rendent l'œuvre d'accès difficile pour le lecteur non averti.

— Jacqueline OUTIN

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Écrit par

  • : agrégée de l'Université
  • : ancien maître de conférences, université de Paris-IV-Sorbonne, U.F.R. de langue et littérature espagnoles

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Julio Cortázar - crédits : Francois Lehr/ Gamma-Rapho/ Getty Images

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