KATCHEN JULIUS (1926-1969)
Le pianiste américain Julius Katchen naît à Long Branch (New Jersey) le 15 août 1926, dans une famille d’origine russe. Sa grand-mère lui donne une formation musicale – pianistique et théorique – très poussée, tandis qu'un précepteur se charge de son éducation générale. La réputation de cet enfant prodige s'étend très vite. À onze ans, il joue le Concerto pour piano no 20, en ré mineur, K 466, de Mozart avec l'Orchestre de Philadelphie sous la baguette d’Eugène Ormandy. Ses parents préfèrent cependant interrompre l'exhibition de ses dons précoces afin qu’il mène des études supérieures de littérature anglaise et de philosophie au très huppé Haverford College, en Pennsylvanie, dont il sort diplômé en 1946. Les seules leçons de piano « académiques » qu’il reçoit durant ces années sont celles que lui prodigue David Saperton à New York. Le gouvernement français lui accorde une bourse – non pas pour ses dons pianistiques mais pour son brillant parcours universitaire – et il s’installe en 1946 à Paris. Il s'y marie cette même année.
Démarre alors une impressionnante carrière internationale ; la firme Decca lui offre, à moins de vingt ans, un contrat d’enregistrement exclusif. Les tournées se multiplient, de même que les rencontres avec les plus grands chefs : Otto Klemperer, Eugen Jochum, Ernest Ansermet, Karl Böhm, Georg Solti, Rafael Kubelik, Eduard van Beinum, John Barbirolli, Paul Kletzki... Julius Katchen tient le piano dans le célèbre enregistrement de Petrouchka de Stravinski que Pierre Monteux réalise en 1956 à la tête de l’Orchestre de la Société des concerts du Conservatoire. Il grave les deux concertos pour piano de Brahms avec l’Orchestre symphonique de Londres dirigé par Pierre Monteux (Premier Concerto, 1959) et János Ferencsik (Deuxième Concerto, 1960). Le chef d’orchestre avec lequel il éprouve le plus d’affinités est sans doute István Kertész, qui, à la tête de l’Orchestre symphonique de Londres, enregistre avec lui la Rhapsody in Blue de George Gershwin (1958), le Concerto en la mineur d’Edvard Grieg (1962), le Troisième Concerto pour piano de Béla Bartók (1965), le Troisième Concerto pour piano de Serge Prokofiev (1968), le Concerto pour piano en sol majeur (1965) et le Concerto pour la main gauche de Maurice Ravel (1968). Il grave, avec le compositeur dirigeant l’Orchestre symphonique de Londres, Diversions, pour piano (main gauche), de Benjamin Britten (1954). Julius Katchen crée en 1954 le Deuxième Concerto pour piano du compositeur américain Ned Rorem, avec lequel il s’est lié d’amitié et dont la Deuxième Sonate pour piano figure à son répertoire. Pablo Casals l'invite à Prades en 1961 et en 1966, année qui lui permettra de jouer en sonate et en trio avec le violoniste David Oïstrakh et le grand violoncelliste catalan, dont ce sera la dernière apparition en France.
Le nom de Julius Katchen reste cependant lié de manière indissoluble à celui de Brahms, dont il jouera fréquemment l’intégrale de l’œuvre pour piano seul, notamment lors d’une célèbre série de quatre récitals donnés au Wigmore Hall de Londres du 12 au 22 avril 1964. De 1962 à 1966, il réalise le premier enregistrement intégral de cette œuvre pour piano seul, événement qui est salué en 1967 par un grand prix du disque de l'académie Charles-Cros.
À ses débuts, Julius Katchen s'était fait connaître par une stupéfiante virtuosité qui se riait des pièges tendus par Moussorgski (Les Tableaux d'une exposition, 1951), Liszt (Mephisto-Valse n0 1, 1953), Balakirev (Islamey, dont il grave en 1954 une version éblouissante) ou Stravinski (Petrouchka, 1956). Brahms révèle pleinement la profondeur d'analyse, la palette de couleurs et la souplesse de phrasé d'un artiste rare, à la fois sensible et passionné. Mais la maladie le mine. Il n'a que le temps d'effectuer[...]
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Écrit par
- Pierre BRETON : musicographe
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