BORGHESE JUNIO VALERIO (1906-1974)
Issu d'une grande famille patricienne romaine, le prince J. V. Borghese vit, à peine adolescent, la prise du pouvoir par les Chemises noires.
Il n'adhère pas – et il n'adhérera jamais – au Parti fasciste, qui se veut « populaire » ; mais, dans le climat fasciste, il respire l'exaltation verbale, absorbe la haine de la démocratie et fait sienne la devise « Vivre dangereusement ». Cette devise, il la met en pratique dès 1936 en allant participer à la guerre civile d'Espagne : il commande le sous-marin franquiste Iride, rebaptisé par lui Légionnaire.
Puis, en 1940, il laisse sa femme et ses quatre enfants (« sans problème », dira-t-il) pour s'en aller à la guerre déchaînée par le fascisme.
Il commande le sous-marin Sciré aménagé pour le transport des hommes-grenouilles rendus célèbres par leurs raids spectaculaires contre les bases anglaises de Gibraltar et du port d'Alexandrie. Le 10 mai 1943, il devient chef de la Decima MAS, unité regroupant les petits engins d'assaut qui permettent à l'Italie de recueillir ses quelques rares victoires sur mer. Il obtient une médaille d'or et acquiert la réputation d'homme de guerre capable, courageux et juste avec ses subordonnés. Au moment de l'armistice, le 8 septembre 1943, une centaine des ses marins restent avec lui à La Spezia ; cela lui suffit pour pouvoir négocier avec les nazis l'autonomie totale de son unité qui, en quelques mois, compte quatre mille hommes. Borghese adhère alors à la République mussolinienne de Salò, mais la Decima MAS reste « son armée à lui ». Le nom de cette unité, qui avait forcé l'admiration de Churchill même, devient tristement célèbre pour sa chasse aux partisans, pour les représailles et pour les exécutions sommaires ; elle laisse sur les ruines et les cadavres une sinistre pancarte : E' passata la Decima (« Ici est passée la Dixième »). Borghese a-t-il cru vraiment à l'arme secrète allemande qui aurait renversé le cours de la guerre au dernier moment ? Ou bien a-t-il exprimé sa rage impuissante contre les démocraties victorieuses ? On ne le saura pas, mais son image de chef valeureux est ternie à jamais, car, pour ce qui est de ses tristes exploits dans le Nord, il ne peut même pas être question d'une « déviation » du courage. Ses hommes ont tué sûrement huit cents personnes, et très probablement beaucoup plus. Arrêté en 1949, la justice italienne sera très clémente avec celui qu'on appelle désormais « le prince Noir » ; douze ans de réclusion, dont il ne fera que trois, avant de profiter de l'amnistie.
Pendant quelque temps, il se retire dans son château d'Artena (près de Rome) pour y cultiver ses terres, soigner son bétail et entretenir le mythe de l'ancien combattant. L'admiration de quelques fanatiques, l'idée qu'il serait possible d'exploiter les défauts de la vie politique italienne pour prendre sa revanche sur la démocratie le font adhérer au parti néo-fasciste, le Mouvement social italien (M.S.I.), dont il devient le président.
Son programme politique ne laisse aucun doute : « Renverser la République droguée et démocratique pour édifier l'État autoritaire, nationaliste, corporatif et social. » Mais les néo-fascistes ne le satisfont pas, car ils utilisent leur force électorale pour gagner une certaine respectabilité politique et rentrent donc dans le « système ». Que cette attitude vertueuse du M.S.I. ne soit que de façade, cela ne suffit pas au prince Noir qui ne s'attarde guère à la politique. En 1967, il abandonne le M.S.I. pour fonder le Front national, dans lequel il réunit les rescapés de la République de Salò et même de la guerre d'Espagne. J. V. Borghese est là dans son véritable élément. Il aime à répéter : « Les révolutions, on les fait avec le sang. » Et l'homme de combat se transforme en conspirateur. Il[...]
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Écrit par
- Vittorio SPINAZZOLA : journaliste, correspondant à Paris de la Radio-televisionne svizzera italiana
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