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JUNTE

Au sens moderne, le terme « junte » suggère une poignée de militaires qui se sont emparés du pouvoir dans tel État d'Amérique latine. Certes, étymologiquement, junta signifie en espagnol « assemblée », mais selon les circonstances qui entourent sa création, cet organisme revêt des caractères opposés et peut être soit un organe de consultation, soit un organe de subversion.

D'une part, les gouvernements d'Espagne et du Portugal, à des moments précis, ou dans un esprit d'organisation plus rationnelle, ont étayé les conseils déjà existants d'assemblées ou juntes aux pouvoirs spécifiques : ainsi, au xviie siècle, Olivares, ministre du roi d'Espagne Philippe IV, a instauré à côté du Conseil d'Aragon une junte d'Aragon pour s'occuper plus particulièrement de la pacification de la Catalogne révoltée (1640) ; de même dans son testament, Philippe IV a préconisé la création d'une junte de gouvernement (1665) destinée à renforcer le pouvoir de sa femme la régente Marie-Anne d'Autriche pendant la minorité de Charles II. La crise économique du xviie siècle a incité les ministres espagnols à établir des juntes provisoires de réforme pour y porter remède.

En Amérique latine, au xvie siècle, se sont constituées des juntes de juristes et de théologiens qui ont entretenu des rapports constants avec les conseils de la métropole (Conseil des Indes notamment) au sujet du grave débat sur les droits des Indiens. De telles juntes n'avaient que voix consultative, mais les instances dirigeantes devaient parfois tenir compte de leurs avis, en particulier lorsqu'il s'agissait de la défense des indigènes opprimés.

D'autre part, c'est aussi au xvie siècle qu'apparaît le phénomène de la junte en tant que facteur de subversion ; ainsi, le mouvement des comuneros contre le choix de conseillers flamands par le roi Charles Ier d'Espagne regroupe ses différents adhérents à l'intérieur de la Sainte Junte ou junte d'Ávila, du nom du lieu où elle se réunissait (1520), qui fait aussi une tentative de gouvernement autonome ; à la même époque, la révolte des germanías c'est-à-dire des corporations d'artisans de Valence, aboutit à la création d'une junte de treize membres qui gère les affaires de la région soulevée (1519). L'invasion napoléonienne en Espagne provoque en même temps que la réaction armée nationale la naissance de juntes provinciales qui assument à la fois des tâches de défense et de gouvernement et finissent par suivre les directives d'une junte centrale. Toujours en Espagne, l'alternance politique au xixe siècle entre absolutistes et libéraux est assurée par des pronunciamientos militaires suivis de la naissance de juntes qui se dissolvent pour laisser la place à un gouvernement légal ; à cette époque-là les militaires espagnols peuvent avoir des opinions politiques variées ; la situation change au xxe siècle lorsque éclate la crise de la monarchie : en 1917 notamment, à la suite de mouvements sociaux provoqués par la Révolution russe, les militaires constituent des juntes de défense pour lancer des sortes d'ultimatums au gouvernement ; ces juntes apparaissent comme le prélude aux pronunciamientos de Primo de Rivera (1923) et de Franco (1936) qui consacrent l'orientation à droite des militaires. En outre, la junte cesse d'être un organisme établi provisoirement avant son remplacement par un gouvernement, et elle s'érige en dictature. C'est l'aspect qu'elle a souvent pris en Amérique latine par exemple, où la junte qui déposait un régime légal se substituait à lui de manière plus ou moins définitive.

— Marie-France SCHMIDT

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