JURCHEN ou JÜRČEN
Ancien peuple de chasseurs forestiers semi-nomades tungus (ou protomandchous), originaire de la Mandchourie orientale. Connu depuis le viie siècle, les Jürčen sont assujettis à un peuple protomongol, les Kitan, depuis la fondation de la dynastie Liao dans le nord de la Chine et en Mandchourie. Dans le premier quart du xiie siècle, les Jürčen (ou Jürchet ; Ruzhen selon la forme chinoise) profitent de la décadence de leurs maîtres pour se soulever contre eux. Leur chef Aguda, du clan Wanyan, se proclame empereur en 1115 et prend le nom chinois dynastique de Jin (« or »). Lorsque, en 1125, les Jürčen ont renversé les Liao et pris leur place, ils poursuivent leur invasion de la grande plaine et contraignent la dynastie chinoise des Song, qui les a inconsidérément encouragés à la rébellion, à se replier au sud du fleuve Jaune en 1126 et à leur payer tribut. Ils se sinisent alors peu à peu, mais ils maintiennent, sur le modèle Kitan, une administration et un système juridique dualistes, fondés sur le principe de la personnalité des lois. Les Mongols Yuan hériteront d'eux l'essentiel de leur législation chinoise ; et comme eux aussi, ils seront originellement organisés en chiliarchies et en centuries (respectivement meng'an et mouke en langue jürčen), système à la fois militaire et administratif qui englobe l'ensemble de la population conquérante. La vallée de la Huaihe qui les sépare des Song (traité de 1141) est une région où fleurit la contrebande et où naissent les mouvements d'insurrection paysanne soutenus par les Song. Lorsque, à partir de 1210, les Mongols commencent leurs incursions en Chine et en Mandchourie, les Jin, affaiblis par des dissensions internes, sont incapables de résister à cette conjugaison de la pression barbare et des soulèvements chinois, sans compter l'agitation entretenue par les Kitan incorporés de force dans leur empire. En 1214, ils abandonnent aux Mongols leur capitale principale Yanjing (site de l'actuelle Pékin) et se replient dans le sud de leurs possessions, à Kaifeng, l'ancienne et brillante capitale des Song. En 1234, Mongols et Chinois ralliés donnent l'assaut final qui marque leur chute.
Le nom de Jürčen continue à être en usage jusqu'au xviie siècle pour désigner un ensemble de tribus tungu, dont certaines descendent réellement des Jürčen du xiie siècle, alors que d'autres leur sont plus lointainement apparentées ; ainsi les Jürčen de Jianzhou ou Mandchous, qui prennent le nom de Hou Jin, « Jin postérieurs », avant de fonder la dynastie des Qing (1644-1911).
Le jürčen, connu par des vocabulaires polyglottes et des inscriptions du xiie et du xve siècle, servait encore de langue diplomatique sous les Ming, avant de s'éteindre dans la première moitié du xviie siècle ; il relève du groupe tungus des langues dites altaïques. Les Jin avaient créé, pour noter leur langue, deux écritures dérivées des caractères chinois, mais syllabiques, comme les écritures kitan qui leur ont servi de modèles : la « grande écriture », inventée en 1120 et la « petite », qui date de 1138.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Françoise AUBIN : directeur de recherche au C.N.R.S. et à la Fondation nationale des sciences politiques (C.E.R.I)
Classification
Médias
Autres références
-
CHINE - Histoire jusqu'en 1949
- Écrit par Jean CHESNEAUX et Jacques GERNET
- 44 594 mots
- 50 médias
... siècle. L'empire des Liao, avec lequel les Song étaient parvenus à établir un modus vivendi, est détruit dans les années 1124-1125 par des tribus Jurchen, du groupe des Toungouses ; celles-ci ont créé en Mandchourie un empire du nom de Jin ( Kin) et s'emparent de toute la Chine du Nord au cours des... -
DYNASTIE QING
- Écrit par Pascal BURESI
- 222 mots
-
DYNASTIE SONG - (repères chronologiques)
- Écrit par Pascal BURESI
- 265 mots
960 Fondation de la dynastie des Song. La capitale est installée à Kaifeng.
976 Mort du fondateur de la dynastie, Zhao Kuangyin, qui régna sous le nom de Taizu, et avènement de son jeune frère, Taizong, qui est en fait le véritable organisateur de l’Empire Song.
979 Soumission du royaume des...
-
HUIZONG [HOUEI-TSONG] (1082-1135)
- Écrit par Pierre RYCKMANS
- 1 462 mots
Huizong, le dernier empereur des Song du Nord, fut moins un souverain cultivant les arts qu'un artiste égaré sur un trône. Peintre et calligraphe de talent, bon poète, fervent amateur de musique, « doué pour toute chose sauf pour être empereur » (comme le disait un ministre à l'empereur Yuan Shundi...
- Afficher les 7 références