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JUSTICE Justice constitutionnelle

Dans tous les pays qui se sont dotés d'une Constitution écrite – ce qui est de loin le cas le plus fréquent –, celle-ci est considérée comme la norme nationale suprême. En cas de conflit, elle doit donc prévaloir sur toute règle de valeur inférieure, quel qu'en soit l'auteur. Pour s'assurer qu'il en soit ainsi, un contrôle est généralement prévu : tantôt il est exercé par les tribunaux ordinaires qui ont le pouvoir de refuser l'application d'une loi contraire à la Constitution, tantôt il est confié à une juridiction spéciale, comme le Conseil constitutionnel français ; mais même dans le premier cas, il existe au sommet de la hiérarchie judiciaire une cour dont la jurisprudence fait autorité en la matière : il en est notamment ainsi aux États-Unis.

La mission qui est attribuée à ces cours leur confère un rôle éminent dans la vie juridique, mais aussi politique et sociale du pays. C'est ce qui explique qu'aux États-Unis les nominations prononcées ou envisagées par les présidents Ronald Reagan et George W. Bush aient suscité des débats très vifs au sein du Congrès et même de l'opinion publique : le choix de juges réputés pour leurs opinions très conservatrices pouvait en effet infléchir durablement la jurisprudence de la cour et avoir des incidences sur des aspects importants de la politique nationale. Dans tous les pays, d'ailleurs, les tendances que révèle la composition de la cour sont considérées comme un élément important de l'équilibre institutionnel ; à deux siècles de distance, on redécouvre ainsi la pertinence de cette opinion de Diderot : « Il est beaucoup plus important d'avoir de bons juges que de bonnes lois. »

Le problème du contrôle

Les réticences originelles

Aux États-Unis, le contrôle a été instauré dans les années qui suivirent la mise en application de la Constitution de 1787, mais cet exemple est demeuré longtemps isolé. En effet, la plupart des démocraties qui ont vu le jour après les révolutions du xviiie et du xixe siècle ont bâti leurs institutions sur le dogme de la souveraineté parlementaire. Comme l'affirme en France l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen adoptée en 1789, « la loi est l'expression de la volonté générale ». Comment concevoir dès lors qu'elle puisse être mise en échec par un organe quelconque qui, de ce fait, se placerait au-dessus du Parlement, émanation directe de la nation souveraine ? En voulant soumettre l'assemblée représentative à un gardien de la Constitution ne risquerait-on pas de lui donner un maître ?

À cette objection de principe s'ajoutait la difficulté pratique de définir le statut d'un tel organe. Ou bien, en effet, ses membres eussent été élus, mais alors ils ne constituaient qu'une chambre législative supplémentaire n'offrant pas plus de garanties de respect de la Constitution que le Parlement lui-même ; ou bien il était composé de magistrats désignés en fonction de leur compétence, mais ceux-ci n'avaient pas alors de légitimité démocratique et risquaient de s'opposer, au nom d'un légalisme étroit, à des réformes souhaitées par l'opinion publique et votées par ses représentants.

Ces réticences à l'égard du contrôle sont demeurées vivaces jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, et, aujourd'hui encore, elles n'ont pas perdu toute influence. Elles se sont au demeurant trouvées confortées par l'exemple de la Cour suprême des États-Unis, qui jusqu'en 1937 avait défendu contre vents et marées les principes sacro-saints du libéralisme économique, ce qui la conduisit à s'opposer au « New Deal » du président Roosevelt.

Mais les idées ont évolué. En Europe occidentale, presque tous les pays se sont ralliés au contrôle de constitutionnalité[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite à l'université Paris-Sud
  • : inspecteur général honoraire de l'administration de l'Éducation nationale de la Recherche

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Média

Séance du Conseil constitutionnel, 2007 - crédits : Conseil constitutionnel

Séance du Conseil constitutionnel, 2007

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