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JUSTICE Justice constitutionnelle

L'influence des cours

Bien que le grand public n'ait connaissance que de leurs décisions les plus retentissantes, les cours influencent sur de très nombreux points la vie politique et sociale du pays. Sans doute doivent-elles en principe se borner à sanctionner les violations des règles constitutionnelles ; mais leur tâche implique nécessairement le pouvoir d'interpréter ces règles, et l'interprétation comporte toujours une part de subjectivité. Le droit à la vie implique-t-il l'interdiction de l'interruption volontaire de grossesse (I.V.G.) ou l'abolition de la peine de mort ? Les systèmes de vidéosurveillance portent-ils une atteinte excessive à l'exercice des libertés individuelles ? Le principe d'égalité des citoyens est-il compatible avec un système de ségrégation scolaire ? Telles sont quelques-unes des questions que les cours sont amenées à trancher et auxquelles il n'existe pas de réponse dont l'exactitude soit scientifiquement démontrable ou qui soit universellement admise. Et, pourtant, de ces réponses dépendent dans une large mesure les grandes orientations de la législation et les valeurs fondamentales de la société.

L'influence des cours est liée à plusieurs facteurs, que l'on retrouve en proportions variables suivant les pays. Elle tient notamment à la diversité des verdicts possibles dans l'appréciation de la constitutionnalité d'un acte, à la plus ou moins grande étendue des normes de référence et au caractère plus ou moins audacieux de la politique jurisprudentielle.

La gradation des verdicts

Pendant longtemps, le contrôle s'est exercé suivant une logique binaire : la loi était constitutionnelle ou ne l'était pas, auquel cas il fallait la censurer. Cette logique paraît aujourd'hui trop contraignante, et aux deux verdicts traditionnels se sont ajoutées des techniques de contrôle plus nuancées.

– L'une d'elles est celle de la déclaration de constitutionnalité sous réserve : le juge, dans ce cas, considère qu'il n'y a pas lieu de censurer la loi, mais qu'il convient de préciser les conditions auxquelles sa validité doit être subordonnée. Parfois, il exclut une ou plusieurs interprétations possibles du texte et fixe ainsi les limites de son champ d'application : ce procédé est généralement dénommé « réserve d'interprétation ». Ainsi le Conseil constitutionnel français a décidé en janvier 1981 à propos de la loi dite « Sécurité et liberté » que les dispositions pénales permettant de sanctionner toute personne qui aurait utilisé un moyen quelconque pour entraver la circulation des véhicules ne sauraient viser les personnes exerçant légalement le droit de grève (par exemple les conducteurs d'autobus).

Dans d'autres cas, le juge énonce les conditions auxquelles devra répondre la mise en œuvre de la loi : c'est ce que l'on appelle des « directives d'application ». Un exemple en est donné par la décision que le Conseil constitutionnel a rendue en 1986 à propos des privatisations, et où il a minutieusement détaillé les règles que le gouvernement devrait observer pour l'évaluation de la valeur des entreprises à transférer. De même, la Cour italienne n'a validé une loi prévoyant des délégations de pouvoirs de police aux préfets qu'en précisant que ces délégations devraient répondre à des critères précis.

– Une autre technique consiste à déclarer une loi inconstitutionnelle tout en indiquant au législateur les principes auxquels il devra se conformer s'il veut refaire un texte ayant le même objet : on peut considérer un tel verdict comme d'« inconstitutionnalité amendable », ou, si l'on préfère, de « constitutionnalité potentielle ». La Cour allemande a rendu une décision de ce type à propos des autorisations d'émettre délivrées à des radios privées,[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite à l'université Paris-Sud
  • : inspecteur général honoraire de l'administration de l'Éducation nationale de la Recherche

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Média

Séance du Conseil constitutionnel, 2007 - crédits : Conseil constitutionnel

Séance du Conseil constitutionnel, 2007

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