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JUSTICE Les institutions

Architecture

La manière dont l'État cherche à faciliter aux plaideurs l'accès des tribunaux et à leur assurer des juges compétents et impartiaux varie beaucoup d'un pays à l'autre. Des facteurs multiples contribuent à cette diversité : les dimensions du pays, son caractère fédéral ou unitaire, son degré de civilisation et le rôle aussi qui est dévolu au droit parmi les procédés de régulation sociale, certaines traditions historiques, des données politiques ou économiques, voire religieuses, enfin la nature et la plus ou moins grande complexité des rapports qu'il y aura lieu de juger. L'organisation juridictionnelle française, qui nous paraît rationnelle parce que nous y sommes habitués, ne saurait convenir à tous les pays. Policée par l'ouvrage des ans, elle répond à un certain nombre d'exigences qu'illustre la façon dont les juridictions sont composées, spécialisées et hiérarchisées.

Composition des juridictions

Les juridictions, conçues comme organes investis du pouvoir juridictionnel, se composent de juges. Encore faut-il déterminer leur nombre et leur qualité.

Juger seul ou à plusieurs ?

Pour le nombre, le droit français consacre le principe de la collégialité. La collégialité des juridictions est le principe : la décision ne peut être rendue que si un certain nombre de juges, trois en général, ont assisté aux débats et participé au délibéré. Les avantages de ce système sont multiples. Tout d'abord, la collégialité garantit l'impartialité et la qualité de la justice : la délibération à plusieurs doit normalement permettre d'approfondir les difficultés, d'éclairer la réflexion, d'éviter les préjugés et les partis pris ; elle prolonge, en quelque sorte, la discussion contradictoire des termes du litige entre les parties. La collégialité concourt également à garantir l'indépendance de la justice puisque la responsabilité du jugement est partagée sous le sceau du secret le plus absolu, ce qui peut être précieux dans certains contentieux, comme le contentieux administratif qui, avec l'État, met en cause une partie particulièrement puissante. C'est pourquoi le droit français est attaché à l'anonymat de la sentence collégiale et à la prohibition des opinions dissidentes admises dans le système anglo-saxon : les juges sont ainsi protégés indirectement contre les menaces, les rancunes et les représailles. Pourtant, le système opposé de l'unicité n'est pas sans vertus. La juridiction à juge unique cultive assurément, chez les magistrats, le sens de la responsabilité et, en démultipliant l'activité juridictionnelle, allège les charges de l'appareil judiciaire, ce qui va nécessairement dans le sens des intérêts des justiciables (et de l'État !).

C'est vraisemblablement cette dernière considération, toute pragmatique, qui explique le développement contemporain de la juridiction à juge unique. En effet, si l'organisation juridictionnelle française a toujours fait cohabiter juridictions collégiales et juges uniques (des juges uniques, il en est de fort anciens, que ce soit en matière civile, avec le juge des référés, le juge-commissaire, le juge aux ordres, le juge de paix, puis le tribunal d'instance, ou en matière pénale, avec le juge d'instruction et le juge de simple police), la juridiction à juge unique s'est incontestablement accrue dans la période récente. Cet accroissement est avéré en matière civile, ainsi qu'en témoigne l'institution du juge des enfants (1945), du juge de l'expropriation (1958), du juge des tutelles (1964), du juge de l'exécution (1972-1991), du juge aux affaires matrimoniales (1975), remplacé par le juge aux affaires familiales (1993), sans parler de l'attribution croissante de pouvoirs juridictionnels propres aux chefs de juridiction, singulièrement au président du tribunal de[...]

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Écrit par

  • : agrégé des facultés de droit, professeur à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne

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Médias

Montesquieu - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Montesquieu

Séance solennelle de la cour d’appel de Paris - crédits : Raphael Gaillarde/ Gamma-Rapho/ Getty Images

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