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JUSTICE Les institutions

Tendances

Contre la thèse de l'identité de l'État et du droit, l'opinion tend à s'affirmer et s'affermir selon laquelle le droit existerait en dehors de l'État. De fait, le droit de l'État et, partant, la justice de l'État doivent faire face à deux sortes de concurrence : par le haut, en raison de la constitution progressive d'un ordre juridique supra-étatique, par le bas, en raison du développement des procédures de négociation contractuelle.

Internationalisation de la justice

Au-delà de la justice des États, une justice internationale se met progressivement en place là où la société internationale s'organise. Le développement de l'arbitrage international en matière commerciale illustre, à sa manière, cette justice extra-étatique spontanément mise en œuvre par la société des marchands, internationalisation et contractualisation de la justice combinant alors leurs effets. L'Organe de règlement des différends (O.R.D.), institué au sein de l'Organisation mondiale du commerce (O.M.C.) pour régler les litiges commerciaux entre États, en est un autre exemple dans l'ordre du droit international économique. Mais c'est sur le terrain plus traditionnel du droit international public que cette internationalisation de la justice a le plus acquis droit de cité, si l'on peut dire. Pourtant, cette « juridictionnalisation » des relations internationales ne va pas de soi car la justice est considérée par les États comme un attribut de leur souveraineté ; elle progresse, pourtant, au gré des conventions internationales. Il y a toutefois des degrés dans cette internationalisation (dans cette intégration ?) et l'on peut ainsi distinguer, selon un vocabulaire emprunté aux internationalistes, les juridictions à vocation universelle et les juridictions à vocation régionale.

Juridictions à vocation universelle

Les juridictions à vocation universelle ont vu le jour au lendemain de la Première Guerre mondiale. Cette origine signale leur mission : substituer le droit à la force dans la solution des conflits internationaux. La Cour permanente de justice internationale, mise en place, en 1922, par la Société des Nations, en fut la première manifestation. En 1945, l'Organisation des nations unies a succédé à la S.D.N. et la Cour internationale de justice à la Cour permanente de justice internationale. La faiblesse du droit international, dit-on, est l'absence de sanctions, qui en rend ineffectives les normes. De ce point de vue, la création par l'O.N.U., en 1993 et 1994, du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (T.P.I.Y.) et du Tribunal pénal international pour le Rwanda (T.P.I.R.) marque un tournant dans la « juridictionnalisation » des relations internationales. Certes, ce n'était pas la première fois qu'une institution judiciaire internationale de ce type était mise en place. Si le souvenir s'est perdu du traité de Versailles, qui avait envisagé de créer un tribunal spécial pour juger l'empereur Guillaume II, en revanche, chacun garde en mémoire les procès de Nuremberg et de Tōkyō, qui permirent à des tribunaux militaires de juger les auteurs des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité commis au cours de la Seconde Guerre mondiale. Mais, avec la création de ces tribunaux pénaux internationaux, l'idée d'un « droit d'ingérence judiciaire » s'est renforcée, et le projet d'instituer une juridiction pénale internationale à vocation permanente s'en est trouvé grandement facilité. La multiplication des conflits régionaux et la recrudescence des crimes contre l'humanité qui les accompagnent a ainsi justifié la création en 1998 de la Cour pénale internationale, marquant un progrès décisif de la société internationale.

Juridictions à vocation régionale

Ce progrès est déjà[...]

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Écrit par

  • : agrégé des facultés de droit, professeur à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne

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Médias

Montesquieu - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Montesquieu

Séance solennelle de la cour d’appel de Paris - crédits : Raphael Gaillarde/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Séance solennelle de la cour d’appel de Paris

Justice : le budget français - crédits : Encyclopædia Universalis France

Justice : le budget français

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