JUSTICE (notions de base)
La justice révélée ?
Probablement parce que les hommes avaient plus ou moins consciemment repéré la fragilité de la coutume, ils ont cherché à ancrer leurs lois dans un lieu transcendant et à leur donner le prestige du divin. Ainsi les Hébreux ont-ils reçu de Dieu, par l’intermédiaire de Moïse, les « Commandements » qui leur permettaient de distinguer le juste de l’injuste et de réprimer sans contestation possible toute une série de conduites. Peut-on considérer que bien avant Moïse, Babylone avait entrepris une laïcisation du Juste ? L’un des plus anciens codes juridiques de l’humanité, le Code d’Hammourabi (env. 1810-env. 1750 av. J.-C.), ne prétend pas avoir été inspiré par les dieux. Mais les règles instaurant les punitions qui doivent être infligées aux fautifs sont d’une rigueur implacable ne souffrant aucune opposition : « Si un maçon a construit pour un autre une maison, et n’a pas rendu solide son œuvre, si la maison construite s’est écroulée et a tué le maître de la maison, on tuera le maçon. Si c’est l’enfant du maître de maison que le maçon a tué, on tuera l’enfant du maçon. » Cette culpabilité collective heurte notre sensibilité, comme nous trouble la formule « œil pour œil, dent pour dent ». Mais tenons compte qu’il s’agit en réalité d’un incontestable progrès de la civilisation : la punition (infligée par le pouvoir) ou la vengeance (exercée par un individu) étaient ainsi régulées et ne pouvaient dépasser certaines limites. Un œil pour un œil chez les Hébreux, et non pas les deux yeux, ou la vie même, de l’agresseur. Et l’un des fils du maçon à Babylone, et non pas toute sa descendance...
Même chez les Grecs, peuple au sein duquel serait né le logos, la raison qui accorde aux humains la possibilité de juger indépendamment des traditions religieuses, une part de « divin » reste attachée aux lois de la Cité et aux exigences qui règlent l'existence collective. Citant le tragédien Euripide (env. 480-406 av. J.-C.), Aristote, au cœur de l’argumentation la plus rationnelle qui soit, souligne l’éclat du Juste : « Ni l’étoile du soir, ni l’étoile du matin, ne sont ainsi admirables » (Éthique à Nicomaque, livre V).
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Écrit par
- Philippe GRANAROLO : professeur agrégé de l'Université, docteur d'État ès lettres, professeur en classes préparatoires
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