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JUSTICE (notions de base)

Justice et force

Quelle que soit sa source, la justice ne peut avoir d’effectivité que si ceux qui sont en charge d’en faire respecter les principes disposent de la puissance nécessaire pour que leurs décisions soient appliquées. Une justice ne reposant que sur les espérances des uns ou des autres serait un idéal creux qui ne réglerait en rien l’existence des hommes. Une relation essentielle en même temps que délicate s’instaure donc entre justice et force, qui a interrogé les plus grands philosophes. Est-ce la justice qui prime, et qui doit s’accompagner de la force indispensable à son application ? Ou est-ce la force brute qui, pour être acceptée des hommes, doit s’auréoler du prestige de la justice ?

Sur ce point encore, Blaise Pascal nous a laissé des réflexions majeures : « La justice est sujette à dispute, la force est très reconnaissable et sans dispute. Ainsi on n’a pu donner la force à la justice, parce que la force a contredit la justice, et a dit que c’était elle qui était juste. Et ainsi ne pouvant faire que ce qui est juste fût fort, on a fait que ce qui est fort fût juste » (Pensées, 203). Se réclamant souvent de la filiation pascalienne, Friedrich Nietzsche (1844-1900) a repris les arguments de l’auteur des Pensées pour jeter un éclairage sur l’origine historique de la justice. Il note avec beaucoup de réalisme que si l'écart entre les forces en présence est trop grand, aucune notion d’injustice n’accompagne le tort que le plus fort inflige au plus faible. Éprouvons-nous le moindre remords quand nous écrasons une mouche qui nous dérange ? Ainsi, « la justice (l’équité) prend naissance entre hommes d’une puissance à peu près égale [...] C’est quand il n’y a pas de supériorité nettement reconnaissable [...] que naît l’idée de s’entendre et de négocier sur les prétentions de chaque partie : le caractère de troc est le caractère initial de la justice » (Humain, trop humain, § 92).

À ce réalisme nietzschéen s’oppose l’idéalisme rousseauiste, qui tente de réfuter toute filiation entre force et justice. Elles appartiendraient à deux registres si différents que l’idée d’un « droit du plus fort » serait totalement inconsistante. Le prétendu « droit du fort » ne serait rien d’autre que la « force du fort ». Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) raisonne ainsi dans Du contrat social (livre I, chapitre III) : « La force est une puissance physique : je ne vois point quelle moralité peut résulter de ses effets. Céder à la force est un acte de nécessité, non de volonté ; c’est tout au plus un acte de prudence. En quel sens pourra-ce être un devoir ? » Cependant, Rousseau ne peut défaire véritablement le lien entre la force et le droit, puisque c’est seulement en tant que l’idée du droit est une force dans l’esprit des dominés que ceux-ci peuvent accepter leur domination.

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Écrit par

  • : professeur agrégé de l'Université, docteur d'État ès lettres, professeur en classes préparatoires

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