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JUSTIFICATION

Réforme et Contre-Réforme

C'est en grande partie sur la compréhension théologique de la justification que le christianisme occidental se divisa au xvie siècle. D'Augustin à Luther, la justification qui donne le salut a été de plus en plus liée aux conditions de la pénitence. Elle est plus ou moins devenue un processus curatif, un perfectionnisme progressif. Le baptisé reçoit pardon de ses péchés antérieurs ainsi qu'une grâce coopérante, qui opère en lui la satisfaction réparatrice. Ainsi la puissance sacramentelle peut-elle faire naître en lui un véritable mérite (tantôt encore insuffisant : meritum de congruo ; tantôt adéquat : meritum de condigno), sans que l'on puisse cependant jamais assurer de manière absolue que le jugement de Dieu correspondra exactement ici au jugement de l'Église, médiatrice des grâces sacramentelles. Le Moyen Âge, sans cependant jamais renier explicitement l'augustinisme, est une mise en forme scolastique des conditions, détaillées mais jamais assurées, selon lesquelles peut jouer la justification de l'homme par Dieu.

On comprend mieux le réveil théologique de Luther si on le voit comme une redécouverte, à partir de Paul et d'Augustin, de l'absolue gratuité de la justification du pécheur. Née à l'occasion d'une protestation de docteur en théologie contre le trafic des indulgences, la Réforme imposa à nouveau au cœur de la chrétienté la réflexion sur la justification. « Quand quelqu'un est capable de dire : grâce au Christ, qui est ma justification, je suis enfant de Dieu et n'en doute point, bien que je n'aie pas de bonnes œuvres à invoquer (c'est d'ailleurs ce qui nous manque à tous), celui-là croit comme il faut croire. Mais cette grâce est tellement grande que l'homme s'en effraie et qu'il lui devient difficile de croire. Notre foi accorde à Dieu l'honneur de pouvoir et de vouloir faire ce qu'il a promis, à savoir justifier les pécheurs » (Luther, Sur Romains, iv, 5). Pour manifester que cette justification n'est pas une action initiale de Dieu, une grâce seulement prévenante qui serait progressivement remplacée par l'action devenue méritoire de l'homme, mais qu'elle est constamment la grâce gratuite qui nous met en mouvement, Luther forge la fameuse formule : « toujours pécheur, toujours pénitent, toujours justifié », que Karl Barth explique ainsi : « Celui-là [le pécheur] je l'étais et je le suis encore... Celui-ci [le justifié] je le suis déjà et je le deviendrai » (Dogmatique, IV, 1). Afin d'insister sur le caractère gratuit de la justification, l'orthodoxie réformée formula les divers concepts (justitia aliena et forensis). Ces concepts risquaient d'ailleurs, en concentrant l'attention de manière polémique sur les voies de la justification, de faire oublier sa source, le Christ justificateur et vivificateur. Le dogme de la justification par la foi seule risquait de devenir ainsi la source d'une nouvelle scolastique.

Le concile de Trente (1545-1563) répondit à la conception de la justification prônée par la Réforme et donna en fait la première définition dogmatique de l'Église catholique sur la question. La définition de Trente insiste sur le changement (translatio), qui fait de l'homme, né fils du premier Adam, un enfant de Dieu adopté, un héritier de la vie éternelle. « La justification n'est pas seulement le pardon des péchés, mais aussi la sanctification et la rénovation interne par la grâce sanctifiante, en tant que principe permanent de la vie surnaturelle. Par une acceptation volontaire de la grâce et de ses dons, l'homme devient d'injuste juste et d'ennemi ami. » Le baptême est la cause instrumentale de la justification. Le processus de la justification s'appelle renaissance. Il[...]

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