JUSTINIEN Ier (482-565)
La paix et l'ordre (527-540)
De 527 à 540, Justinien appliqua son programme de restauration et d'unification du monde romain avec une activité fébrile. Il avait trouvé une situation économique et financière fort saine, grâce à l'habile politique d'Anastase Ier, le prédécesseur de Justin. La paix sociale, en revanche, était troublée par l'antagonisme des catholiques et des monophysites, et aussi par les excès d'une administration vénale et détestée. La sédition Nika (janv. 532), qui ravagea Constantinople et faillit emporter le régime, agit comme un abcès de fixation ; la répression fut si sanglante que les factions populaires, les dèmes, responsables de l'insurrection, ne devaient plus faire parler d'elles jusqu'à la fin du règne. La même année, Justinien, en guerre avec la Perse depuis cinq ans, achetait une paix qui était indispensable à la réalisation de ses projets occidentaux.
Déjà, son œuvre juridique touchait à son terme : de 528 à 534, les diverses commissions dirigées par Tribonien mettaient de l'ordre dans le chaos des constitutions impériales promulguées depuis Hadrien (c'est le Code Justinien), harmonisaient et modernisaient toute la législation ancienne (c'est le Digeste), publiaient un manuel pour l'enseignement du droit (les Institutes). À cette œuvre d'une importance capitale dans l'histoire de la civilisation européenne – car c'est sous la forme reçue de Justinien que l'Occident connaîtra et adoptera le droit romain à partir du xiie siècle – s'ajoute le recueil des Novelles, lois originales publiées en grec par Justinien après 534.
Les réformes administratives du règne, connues notamment par les grandes Novelles (535-536), sont moins amples et moins systématiques. Elles visent surtout à renforcer l'autorité impériale par le démembrement de grands offices, la lutte contre la corruption des fonctionnaires et contre le développement inquiétant de la grande propriété foncière, à mieux assurer la rentrée régulière de l'impôt, à simplifier l'administration locale par le regroupement des provinces trop petites, la suppression des vicariats de diocèses et, dans certains cas, la réunion en une seule main des pouvoirs civil et militaire. C'est ainsi que l'Égypte, particulièrement agitée par le monophysisme, et dont les livraisons de blé commandaient le ravitaillement et, par conséquent, le maintien de l'ordre à Constantinople, fut confiée à des commandants militaires dépendant directement de la préfecture du prétoire. Justinien légiféra avec un soin particulier pour l'Église, dont il s'estimait le chef suprême. Il régla en détail le statut, le recrutement, la juridiction du clergé, organisa l'administration des biens ecclésiastiques. Il légalisa le contrôle des évêques sur les autorités locales, ce qui eut pour conséquence heureuse d'atténuer l'excès de centralisation dont témoignent ses réglements : les notables des provinces, par l'intermédiaire des évêques à l'élection desquels ils participaient, pouvaient exprimer leur opinion et même contrôler en partie l'emploi des fonds publics.
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Écrit par
- José GROSDIDIER DE MATONS : maître assistant à l'École pratique des hautes études
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