KAIROUAN
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T240008
Située au centre de la Tunisie, Kairouan est la première ville arabo-musulmane fondée au Maghreb, en 670 après J.-C. Avant-poste de la conquête de l’Afrique du Nord et capitale de l’Ifriqiya pendant près de quatre siècles sous le règne des dynasties aghlabide, fatimide et ziride, la ville fut durant son âge d’or un important centre de transmission des savoirs – notamment en médecine – et une métropole d’importance équivalente à Damas ou Cordoue. Cité chargée d’histoire, elle figure parmi les rares villes islamiques ayant conservé les témoignages des différents apports de la civilisation musulmane, raison pour laquelle elle a été inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO en 1988.
De la fondation de la ville à sa destruction par les invasions hilaliennes en 1051, l’histoire urbaine de Kairouan aux époques aghlabide, fatimide et ziride est celle d’une croissance continue à peine entravée par des épisodes de crises. Par sa taille et la concentration des fonctions de commandement, Kairouan s’est affirmée par rapport aux autres villes de son territoire confinées dans des rôles secondaires. Délaissée par les Hafsides qui choisirent Tunis comme capitale en 1229, Kairouan entame une longue phase de déclin. Le développement du commerce maritime à partir du xvie siècle, aux dépens du commerce caravanier transsaharien, accentue la marginalisation de Kairouan qui va céder la deuxième place qu’elle occupait jusqu’en 1800 dans la hiérarchie urbaine. Avec 160 000 habitants (années 2020), Kairouan se situe aujourd’hui derrière Tunis, Sfax ou Sousse sur le plan démographique.
Avec l’indépendance de la Tunisie et la littoralisation accrue du territoire, Kairouan a dû faire face à des défis socio-économiques majeurs. La pauvreté de l’arrière-pays rural et l’exode qui en découle entraînent une urbanisation rapide et une prolifération de l’habitat non réglementaire qui s’étend parfois jusqu’aux sites archéologiques. Tandis que, jusqu’à la fin du xixe siècle, les notables de la ville étaient propriétaires de terres et de biens immobiliers à Sousse, la tendance est aujourd’hui inversée : c’est le littoral (le Sahel) qui domine la région, et ce sont les notables de Sousse qui investissent à Kairouan.
Ainsi, malgré son potentiel agricole et son accès facilité au littoral grâce à la route express qui la relie à Sousse, Kairouan souffre d’un taux de chômage élevé et d’une économie essentiellement informelle. Les habitants émigrent massivement vers les régions littorales, principalement vers le Grand Tunis, le Sahel et Sfax. Les tentatives de développement industriel dans les années 1970-1980 se sont vite essoufflées et se sont limitées à de rares industries de transformation, notamment des usines de montage automobile. Le secteur de l’artisanat, qui dépend essentiellement de la demande touristique, est également en déclin. Du fait de la prédominance du tourisme balnéaire en Tunisie, Kairouan ne constitue qu’une étape entre les stations du littoral et le site archéologique de Sbeïtla (gouvernorat de Kasserine). Les visites touristiques organisées par des agences de voyages à partir de Sousse ou Hammamet se limitent à quelques heures et se focalisent essentiellement sur la Grande Mosquée et le souk des tapis, très réputés. Par ailleurs, la ville n’a pas su faire fructifier le label « tapis de Kairouan » qui a perdu de sa valeur au xxe siècle en raison de l’utilisation de teintures artificielles.
Si la redynamisation de Kairouan passe par la stimulation de l’artisanat et le développement d’un tourisme durable valorisant le patrimoine exceptionnel de la ville, la proximité des aéroports de Monastir et d’Enfidha offre à la ville de nouvelles perspectives de développement, que le port en eaux profondes, en projet, devrait renforcer.
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Écrit par
- Mouna TAÂMALLAH : professeure agrégée, faculté des lettres et des sciences humaines, université de Kairouan (Tunisie)
- Ali BENNASR : professeur des Universités, faculté des lettres et des sciences humaines, université de Sfax (Tunisie)
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Médias
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