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KALĀM

L'expression arabe kalām (‘ilm al-kalām), dans l'islam, signifie la science de la parole, notion désignée aussi par ‘ilm uṣūl ad-dīn, science des bases de la religion (ou par al-fiḳh al-akbar, qui s'oppose à al-fiḳh al-aṣghār, la jurisprudence musulmane mineure). Ces trois expressions désignent, en somme, la théologiescolastique musulmane. Par le mot ‘ilm (science) on n'entend pas la recherche, la découverte ou l'indépendance d'opinion du chercheur, comme c'est le cas pour le fiḳh, mais plutôt un acquis de connaissances fondées sur l'acceptation de l'ensemble des dogmes de l'islam, la discussion théologique étant autorisée à partir de cette acceptation. At-Tahānuwī, dans Kaššāf iṣṭilāhāt al-funūn, dictionnaire des termes techniques, définit le kalām comme une science servant à prouver à l'autre (l'antagoniste), non par la voie de la raison discursive mais par celle de la loi musulmane, l'existence de Dieu, ses attributs, ses œuvres dans le monde ou le jour du Jugement dernier et l'envoi sur terre des prophètes et des imāms, les guides religieux.

Le kalām, à ses débuts, ne se distinguait pas de l'étude des ‘Aqā'id Dīniyya, l'ensemble des dogmes de la religion. Mais peu à peu ce terme, qui avait ainsi le sens premier de parole, acquit aussi celui d'argument intellectuel appliqué à la théologie. Le kalām donna alors la même importance à la parole en théologie que celle que prend manṭiq (logique) en philosophie. C'est surtout à partir de la première période de la dynastie abbaside (vers 750) que le kalām devint une science scolastique à laquelle se rallièrent l'ensemble des penseurs sunnites orthodoxes, opposés aux mu‘tazilites, partisans de la recherche rationaliste en matière de religion et de l'élection démocratique du chef de la communauté religieuse. Les mu‘tazilites ont alors pour adversaires les mutakallimūn (pluriel de mutakallim), théologiens ou dialecticiens traditionalistes, qui, bien que niant la possibilité d'aller loin avec la raison pour prouver la Dāt, l'essence de Dieu, utilisent les méthodes, les conceptions, les classifications et la dialectique de la philosophie grecque, parvenue dans le monde arabe grâce à un vaste mouvement de traduction. Mais, jugeant cette influence étrangère néfaste, les orthodoxes n'hésitent pas à condamner la théologie scolastique en entier, au nom de l'inquiétude qu'ils éprouvent face au risque d'égarement connu par les simples croyants de la parole suprême et du ḥadīt, éléments fondamentaux de l'islām. Dans ce courant, le ḥanbalite Abd Allāh al-Anṣārī (1006-1088) écrivit alors son célèbre Blâme contre le kalām (Dam al-kalām).

C'est grâce à Al-Ghazālī (1058-1111) que le kalām se débarrassa des Bida‘, les innovations impies, pour revenir à sa pureté première. Selon lui, le kalām peut être divisé en quatre parties où sont examinés l'être d'Allah, ses attributs, ses œuvres, les œuvres des prophètes et, en particulier, la mission de Mahomet. Al-Ghazālī ne condamne pas le kalām, mais il ne le recommande pas non plus ; cette méthode pourrait être nuisible parce qu'elle porte à l'intransigeance et à l'exagération et parce qu'elle incite généralement à penser, à tort, qu'elle seule suffit à découvrir la vérité. Al-Ghazālī soutient donc que l'instruction religieuse du peuple doit se limiter au résumé des dogmes islamiques (‘aqida), ainsi que le recommande la sunna. Toutefois, le kalām, écrit Al-Ghazālī dans Ilǧām al-‘awām ‘an ‘ilm al-kalām (Pour détourner le peuple du kalām), pourrait être utile s'il est pratiqué par des théologiens qui ont pour tâche la défense des intérêts spirituels de la communauté musulmane, c'est-à-dire des dogmes[...]

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