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KALEVALA

Elias Lönnrot

Lorsque la Finlande, après son rattachement à la Russie, en 1809, commence à entrevoir son émancipation, son premier réflexe nationaliste est de tourner les yeux vers son trésor populaire. La démarche avait été faite dès le xviiie siècle par H. Porthan et K. Ganander, mais le mouvement est réellement lancé par Zachris Topelius, le père du grand écrivain, en 1823, lorsqu'il publie le premier recueil des chants populaires qu'il a rassemblés depuis 1803. Il sera suivi dans ses efforts par un compatriote, Carl Axel Gottlund, et par le juriste allemand H. R. von Schröter. Un journaliste qui était aussi philologue, Reinhold von Becker, leur emboîte le pas : c'est lui qui va susciter la vocation de son jeune disciple, Elias Lönnrot.

Fils de tailleur, Elias Lönnrot (1802-1884) hésitait entre des études de lettres ou de médecine. Il opte pour cette seconde voie et soutient, trait significatif, sa thèse sur l'ancienne médecine magique de Finlande. Devenu médecin de campagne et obligé de parcourir son district en tous sens, guidé par une curiosité inlassable, un patriotisme ardent et un sens très sûr de sa langue, il quête, rassemble, consigne par écrit, dès 1832, tous les chants populaires qu'il se fait dire. Très vite, il s'assigne pour but de reconstituer ce qu'il croit être la grande épopée de son peuple. En 1835, le 28 février exactement, devenu depuis jour de fête nationale en Finlande sous le nom de « jour du Kalevala », il publie un premier recueil où il a réparti en trente-deux chants un total de 12 078 vers. Une seconde édition, en 1849, porte ce chiffre à 22 795 vers organisés en cinquante chants. C'est le Kalevala. Lönnrot s'est expliqué sur ses intentions dans sa préface à l'édition de 1849 : « Conscient de ce que ces poèmes constitueront le plus ancien monument spécifique du peuple et de la langue de Finlande tant que ceux-ci existeront, nous avons cherché, avec tout le soin et toute la diligence possibles, à organiser et à assembler aussi bien que nous l'avons pu tout ce que ces poèmes ont conservé pour la connaissance de la vie, des coutumes et des événements du passé. » Il n'y a rien ajouté de son cru, au moins dans la matière ; il a classé méthodiquement les chants qu'il avait collectés, les a interpolés en combinant les plus beaux éléments de chaque variante d'un même thème afin d'obtenir une composition épique où figureraient tous les épisodes repris aux divers cycles populaires qu'il connaissait. Il fabriqua de la sorte cette étrange mosaïque, cette tapisserie où s'entrelacent motifs épiques, lyriques et magiques, qu'il intitule Kalevala (c'est-à-dire pays du peuple de Kaleva, nom désignant le héros mythique dont descendent Väinämöinen et Ilmarinen). L'ensemble, ainsi constitué à force d'éléments disparates, manque d'unité, et chaque chant n'est pas indispensable au tout. Mais l'identité du mètre, des images et des tournures fait aisément la liaison. Car, par chance, Lönnrot était plus linguiste que poète, et c'est d'abord une langue d'une merveilleuse musicalité qu'il a ressuscitée en la dotant d'un tel monument.

Le Kalevala rapporte les faits et gestes de quelques grands personnages mythiques, héros plus ou moins divinisés que ne relient ni l'histoire ni la parenté : d'abord le vieux mage Väinämöinen, version finnoise d'Orphée, maître de la science occulte des runes, chanteur incomparable et dépositaire de la sagesse ; puis Ilmarinen, le forgeron merveilleux qui fabriquera le sampo ; Lemmikainen, joyeux luron, aventurier amoureux, une sorte de don Juan carélien ; Kullervo le maudit, marqué par un destin tragique ; Louhi, la souveraine de Pohjola. Ce dernier nom désigne une contrée énigmatique qui entretient avec le pays[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite (langues, littératures et civilisation scandinaves) à l'université de Paris-IV-Sorbonne

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  • ESTONIE

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  • FINLANDE

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  • FINNO-OUGRIENNES LANGUES

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    ...estonien et en finnois. Les premiers textes finnois de valeur sont des traductions de textes bibliques dues à l'évêque luthérien Michel Agricola, au milieu du xvie siècle. Quant au célèbre Kalevala, s'il repose sur de vieilles traditions populaires, il n'a été composé qu'au xixe siècle.
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