KALEVALA
L'apport scandinave
Puis les choses se compliquent. Les interactions entre la Scandinavie (Suède surtout) et la Finlande ont dû être bien plus nombreuses et profondes qu'on ne le croit. Les Vikings suédois, les « rus », passaient par la Carélie avant d'entreprendre, par les fleuves russes, la traversée qui les mènerait à Miklagardr (Byzance). De leur côté, les Finnois ont dû commercer avec eux, leur vendre des peaux, des bijoux, faire même, de temps à autre, quelque incursion plus ou moins armée. Ils découvraient, de ce fait, une civilisation évoluée : n'est-ce pas pour imiter les scaldes scandinaves que certains riches Finnois du Sud ont entrepris de composer de longs poèmes en l'honneur de leurs héros traditionnels et de leurs dieux ? Si les rapports sont évidents entre Väinämöinen et Odinn, suprêmes magiciens tous deux, le mythe de Lemmikainen pourrait à son tour rassembler les souvenirs des exploits de deux Vikings célèbres, Ahti et Kauko.
Dresser un tableau des ressemblances entre poèmes de l'Edda et Kalevala fournirait un bilan impressionnant. Le grand mètre eddique, le fornyrdislag, a pu dicter le vers à quatre temps forts des chants finlandais ; l'Edda baigne tout entière, elle aussi, dans la magie ; quant au détail, telle joute oratoire, comme celle de Väinämöinen et de Joukahainen (Kalevala III), rappelle curieusement le Vafprudnísmál : même sujet, un concours de savoir ésotérique, même enjeu, le perdant y laissera la vie, même triomphe du plus instruit et du plus rusé. Le sampo évoque le moulin Grótti du Gróttasongr, etc. Il appert donc que sur un fonds ancien, d'importants apports scandinaves sont venus se greffer : d'autant plus importants que cette « déteinte » a coïncidé, vraisemblablement, avec la grande période d'élaboration des chants du Kalevala (xie siècle et suivants).
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Écrit par
- Régis BOYER : professeur émérite (langues, littératures et civilisation scandinaves) à l'université de Paris-IV-Sorbonne
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