DAOUD KAMEL (1970- )
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L’écrivain et journaliste franco-algérien Kamel Daoud est né le 17 juin 1970 à Mesra, près de Mostaganem, dans la partie occidentale de l’Algérie. Comme d’autres auteurs francophones algériens de sa génération, le romancier et chroniqueur ne se sent plus directement relié à la guerre d’indépendance, qui s’est terminée en 1962. Il s’agit moins de contester l’importance de l’événement que de rappeler un simple constat : considérer qu’en Algérie tout est déterminé et s’explique par la colonisation n’est plus possible. Le premier combat mené par Kamel Daoud est donc générationnel : l’évocation des drames du passé constitue à ses yeux un refuge et un alibi pour taire les problèmes du présent.
Kamel Daoud a d’abord été journaliste dans sa région d’origine, l’Oranie, où l’on a, dit-on, plus de franc-parler que dans l’Algérois. L’exemple donné par ses chroniques conforte cette réputation. Néanmoins, l’écriture a toujours été si importante pour lui qu’il a été très vite tenté de devenir écrivain au sens plein du mot, ce qui signifie qu’en dehors des chroniques journalistiques il a aussi recours à des fictions romanesques.
L’Étranger en miroir
Après avoir publié plusieurs recueils de nouvelles, Kamel Daoud s’est fait connaître des lecteurs français par son premier roman Meursault, contre-enquête (2013 pour l’édition algérienne ; 2014 pour l’édition française), qui lui a valu en 2015 le prix Goncourt du premier roman. Meursault, Français d’Algérie, est le nom du narrateur et personnage principal du roman d’Albert Camus, L’Étranger(1942). Dans des conditions un peu énigmatiques, Meursault tue un Arabe, ce qui lui vaut d’être jugé et condamné à mort. Cependant, L’Étranger a blessé nombre de lecteurs algériens et a suscité de leur part des réactions de rejet pendant plusieurs décennies. La raison principale tient au fait que, dans le récit de Camus, « l’Arabe » reste un inconnu, qui n’a pas de nom, pas d’histoire, pas de famille, et qui n’accède donc pas au statut de personnage au même titre que Meursault.
La trouvaille de Kamel Daoud dans Meursault, contre-enquête consiste à donner à « l’Arabe » le nom qui lui manquait, Moussa, en même temps que la parole par la voix de son frère Haroun. L’écrivain accomplit sur le plan romanesque la vraie révolution postcoloniale qu’on attendait, et efface à traits de plume la barrière dont parle Pierre Bourdieu entre dominants et dominés. Surtout, il opère pour cela d’une manière plus légère et plus subtile que ne l’auraient fait des discours à tonalité marxiste ou nationaliste. On peut comprendre que de nombreux lecteurs lui en aient su gré.
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Écrit par
- Denise BRAHIMI : ancienne élève de l'École normale supérieure de Sèvres, professeure agrégée des Universités (littérature comparée), université de Paris-VII-Denis-Diderot
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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