KANGRA
L'art de Kāṅgrā
La soudaine apparition de l'art de Kāṅgrā dans le dernier quart du xviiie siècle est assez surprenante, car Ghamand Chand Rāja (1751-1774) fut un guerrier qui se soucia peu de peinture. C'est sous le règne de son petit-fils Rāja Sansar Chand, souverain de 1775 à 1823, que se placent l'éclosion et l'âge d'or de l'école de Kāṅgrā. Rāja Sansar Chand, qui monta sur le trône à l'âge de dix ans, fut à la fois un guerrier, un administrateur et un mécène. On rapporte qu'il s'intéressa à la peinture dès l'âge de treize ans.
W. G. Archer pense qu'un artiste de Guler dut, à cette époque, émigrer à Kāṅgrā. C'est fort possible, néanmoins, cela n'explique pas la principale caractéristique de cet art où la ligne suit un rythme mélodique fait de courbes et de contre-courbes, où la femme est reine, l'amour romantique exalté et d'où il se dégage, suivant l'expression d'Archer, « un air de sexualité innocente ».
La grande place donnée dans cette école à la femme s'explique par la dévotion que le souverain vouait à Kṛṣṇa jouant avec les gopi ou bergères et les enlaçant, ce qui rendait jalouse sa préférée Rādhā. Ce thème de bouderie et de réconciliation de Rādhā et de Kṛṣṇa fut fréquemment exploité.
Pour apprécier pleinement cette peinture, il faut en comprendre le symbolisme : certaines couleurs, notamment le rouge, évoquent l'amour ; un ciel tourmenté indique la frénésie des sentiments sur le point d'éclater ; un arbrisseau enlaçant un arbre suggère l'étreinte des amoureux ; tous les éléments d'une peinture ont une signification à la fois symbolique et poétique.
L'analyse de trois peintures qui se trouvent au Victoria and Albert Museum à Londres et qui ont été étudiées par Archer permettra de voir plus en détail les caractéristiques de cet art.
Dans la première, Rādhā et Kṛṣṇa dans le bosquet (vers 1785), on voit Kṛṣṇa assis sur le sol étreindre Rādhā qui se blottit dans ses bras. Ils sont encerclés d'arbres enlacés d'arbustes fleuris. La rivière aux flots tumultueux où poussent des lotus, symboles de l'amour, contourne cette scène. Sur l'autre rive, on aperçoit un bananier ; le peu de ciel bleu pur entrevu au milieu des arbres correspond à la quiétude des protagonistes.
La seconde peinture (vers 1780) représente la fête du printemps qui a lieu lorsque la chaleur monte et que règne un état d'exaltation générale ; cette œuvre laisse apparaître une légère décadence : la silhouette des femmes n'est plus aussi élancée, les visages, sensiblement trop grands par rapport aux corps, manquent d'individualité et sont tous caractérisés par un profil grec. Les femmes sont divisées en deux groupes ; les unes, armées de seringues, symbole du sexe masculin, aspergent l'autre groupe qui lance des boulettes de poudre colorée ; elles portent des instruments de musique, symboles de la féminité.
Ici apparaît ce jeu de courbes et de contre-courbes qui caractérise cette école ; la perspective européenne est utilisée pour la représentation de la tente.
Cette miniature est intéressante car elle permet d'entrevoir dans quel sens déclinera cet art.
La Bourrasque d'amour (1820 env.) représente la cour intérieure d'une maison où une tornade vient de s'élever ; les arbres sont couchés par un tourbillon de vent, cependant que l'héroïne court se réfugier dans la maison ; son châle de tête, retenu par ses mains, forme une courbe et sa jupe une contre-courbe ; trois servantes s'affairent à ranger le linge répandu dans la cour, tandis qu'une autre baisse les stores des fenêtres.
Là encore, cette peinture est symbolique ; l'agitation extrême veut traduire la frénésie des sentiments de la maîtresse de[...]
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Écrit par
- Andrée BUSSON : licenciée ès lettres, chargée de mission au musée Guimet
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RĀJPUT ÉCOLE
- Écrit par Andrée BUSSON
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- 2 médias
L'art deKāṅgrā apparut aux environs de 1770 et se poursuivit jusqu'au début du xxe siècle. Son âge d'or se situe entre le début du règne de Sansar Chand, en 1775, et 1805, date à laquelle les Ghurkas envahirent son État et amenèrent les Sikhs quelques années après à devenir les maîtres du...