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KANNARA ou KANNADA LANGUE & LITTÉRATURE

Les temps modernes

Avec la chute du royaume de Vijayanagar disparaît le patronage royal qui avait toujours soutenu la production littéraire kannara. Mais celle-ci reste continue, avec un déclin marqué de l'influence jaïn et un regain progressif des sujets brahmaniques : histoires puraniques, œuvres dévotionnelles, panégyriques semi-historiques, traités techniques. Les mètres populaires sont en vogue, se prêtent aisément au récit ou à la musique : le Jaimini Bharata de Lakṣmiśa, sur le thème de la dévotion à Kṛṣṇa et le Purāṇa de Cannabesava par Virūpākṣa Paṇḍita, belle légende religieuse et vue compréhensive de la foi viraśaiva. Le style relevé traditionnel (campu) est délaissé malgré le Rājaśēkhara Vilāsa de Ṣaḍakṣaradeva, mais reparaît sous le règne de Cikkadēvarāya (1672-1704). Ce roi de Mysore, contemporain d'Aurangzeb, écrivain lui-même, assisté de deux ministres écrivains, Tirumalārya et Cikkupādhyāya, relève le niveau moyen d'une production littéraire abondante mais sans sommets, en marge de laquelle Sarvajña lance ses invectives. Didactique, sensible, impitoyable pour les hypocrisies et les vanités humaines, il a condensé en plus de mille strophes de trois vers (tripadi) une sagesse incisive vite populaire et en fait universelle (les Sarvajña-padagaḷu).

Un frère de Tirumalārya, Singarya, écrit le premier drame kannara Mitravindā Govinda (1680). La cour de Mysore encourage le théâtre professionnel, mais, dès le xviie siècle, la forme de théâtre populaire dite Yakṣagāṇa se développait à partir de traditions plus anciennes et gagnait en popularité, pour atteindre au début du xixe siècle un niveau élevé.

Un roman historique, Mudrā Mañjuṣa de Kempu Narayana (1823), assure la dignité de la prose moderne, les adaptations du théâtre sanskrit (Basavappa Sastri) celle du drame. L'influence des classiques anglais, l'intérêt des missionnaires qui créent les premières presses, le développement rapide du journalisme vers 1850 et après 1881 (Venkatakrisnaiah) stimulent les courants nouveaux sans jamais faire oublier le passé. Ce mélange de renouveau classique et d'innovations techniques caractérise Muddaṇa (1870-1901), l'un des premiers auteurs « modernes ».

La poésie moderne mêle conservateurs relatifs (Govind Pai), lyriques aux innovations modérées (B. M. Srikantia, Masti) ou plus hardies (Bendre, Gokak), et modernistes (Gopalakṛṣṇa Adiya). Plusieurs poètes, tel Puttappa dit « Kuvempu », étonnent par la diversité de leurs registres, de l'intimisme à l'épopée populaire. Le roman (Krishna Rao, Karanth, Mugali, Gokak) et la nouvelle (Masti) brillent, entre les deux guerres mondiales, dans tous les genres : satire sociale, psychologie, intrigue, avec une conscience critique qui s'exprime dans une abondante production théorique d'essais et réflexions. Entre 1900 et 1940, le drame (Kailasam, Sriraṅga, Karanth...) joué par de nombreuses troupes sert les mêmes thèmes en même temps que la tradition épique populaire, et les pièces en un acte, proie des troupes d'amateurs, sont un théâtre expérimental. Le nationalisme est certes un thème dominant, mais la persistance des traditions et des mystiques, la recherche individualiste, le goût des grands thèmes métaphysiques rendent attachante et diverse cette littérature. Abondante (plus de 250 volumes par an), très consciente de son passé, mais spéculant sur toutes les nouveautés de thèmes et de techniques, la littérature kannara d'aujourd'hui se cherche dans un riche foisonnement.

— François GROS

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Écrit par

  • : agrégé de l'Université, directeur de l'École française d'Extrême-Orient

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