Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

ČAPEK KAREL (1890-1938)

Une œuvre riche et secrète

L'œuvre non plus n'est pas claire. Chose curieuse, souvent le succès lui vint de malentendus. Ainsi R.U.R. (Rossum's Universal Robots, 1921) voulait mettre en garde contre la déshumanisation dont le progrès technique menace notre civilisation, pourtant le public a pris plaisir à un spectacle de science-fiction. Čapek trouvait sa pièce inégale : pour beaucoup, il est resté « l'auteur de R.U.R. »... Mais que dire des contradictions internes ? Čapek est le jeune auteur « vitaliste » de Zářivé hlubiny (Profondeurs rayonnantes, 1916), le défenseur de l'instinct, Loupežník (Le Brigand, 1920), l'amoureux de la nature. Et pourtant, perpétuellement, des obsessions reviennent : le désir de mourir, Vèc Makropulos (Le Secret Macropoulos, 1922) ; l'horreur de l'instinct, Ze života hmyzu (Vie des Insectes, 1920) ; la stérilité, R.U.R., Hordubal (1933) ; Život a dílo skladatele Foltýna (La Vie et la mort du compositeur Foltýn, 1939, posthume) ; la volonté de puissance et de destruction totale, Krakatit (1924) ; Válka s mloky (La Guerre des Salamandres, 1936) ; Bílá nemoc (La Maladie blanche, 1937). De même, en philosophie, Čapek, esprit positif, se veut un relativiste conséquent. Il va jusqu'à fonder sa technique romanesque sur la pluralité des points de vue. Mais Boží muka (Les Calvaires, 1917) est une quête désespérée de Dieu, et l'absolu resurgit toujours, jusque dans Matka (La Mère, 1938), sa dernière pièce, où il s'incarne dans la défense de la civilisation menacée. En politique, autre contradiction : d'instinct, Čapek est avec l'individu contre l'État ; sans illusions sur le système capitaliste, il sait révéler le rôle de l'industrie de guerre (R.U.R.) ou dénoncer par l'humour l'immoralité de la société bourgeoise (Vie des Insectes) ; et aussi se faire le ferme défenseur de la démocratie dite libérale et de son ordre, jusqu'à chercher, dans ses Povídky z jedné kapsy (Contes d'une poche) et Povídky z druhé kapsy (Contes de l'autre poche, 1929), à réconcilier le citoyen et la police ! En esthétique non plus, il n'a jamais fait son choix : il reste prêt à toutes les innovations, fidèle à tous les conformismes. Cette incohérence – il fallait la souligner – n'amoindrit pas Karel Čapek. Peut-être était-il trop intelligent pour jamais choisir ; humain aussi, avec de secrètes attirances. C'est parce qu'il n'est pas tout d'une pièce qu'il nous attire. On ne cerne donc pas Čapek. Mais des attitudes se dessinent, des réussites apparaissent évidentes.

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : assistante à l'université de Paris-IV

Classification

Autres références

  • AUTOMATE

    • Écrit par , et
    • 6 648 mots
    • 2 médias
    L'automate devient alors le robot comme dans le drame de Karel Capek (1920), à qui l'on doit le terme : un inventeur fabriquera en série des hommes-machines qui peu à peu remplaceront les hommes. Incapables de se reproduire, les robots ne « profiteront » pas de leur victoire. L'amour sauvera...
  • TCHÈQUE RÉPUBLIQUE

    • Écrit par , , , et
    • 18 252 mots
    • 3 médias
    ...la prose et le théâtre bénéficient plus encore des conditions nouvelles. Aux auteurs déjà cités – Hašek, Langer, Benešová, etc. –, d'autres s'ajoutent. Karel Čapek (1890-1938), considéré à juste titre (non seulement pour son amitié avec Masaryk) comme l'écrivain qui symbolise la première République humaniste,...