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ŠKRÉTA KAREL (1610-1674)

Dans la Bohême du xviie siècle, ravagée par la défaite de la Montagne Blanche, dépeuplée et appauvrie, la figure du peintre Karel Škréta prend un relief exceptionnel et une valeur exemplaire, qui expliquent la popularité particulière de cet artiste auprès des Tchèques. Né, à Prague, dans une famille de petite noblesse protestante, Škréta, encore enfant, fuit le pays natal avec ses parents lorsque les forces catholiques reconquièrent Prague. Il ne s'y rétablit qu'en 1635, après un long séjour en Italie ; il s'est entre-temps converti au catholicisme. Le grand développement artistique que devait connaître la Bohême au xviiie siècle ne faisait alors que se préparer et, jusqu'à sa mort, Škréta jouit d'une position privilégiée où il put emporter presque sans concurrence les commandes qui reprennent peu à peu dans la capitale tchèque. C'est surtout comme portraitiste que Škréta est demeuré célèbre. La Galerie nationale de Prague conserve deux portraits de peintres, antérieurs à 1635, et réputés sans trop de preuves être ceux de Poussin et de Sandrart. Une grande honnêteté et une extrême économie de moyens caractérisent ces effigies à mi-corps, où le fond uni et la simplicité du vêtement mettent en valeur le traitement réaliste des visages. On sent, même dans de grands tableaux d'autel comme le Saint Martin des années 1640-1650 (Galerie nationale, Prague), un écho du caravagisme romain, que Škréta avait connu au moment de sa plus forte vogue. Dans le Jacob arrive chez Laban (1643, château de Rychnov), c'est plutôt un intérêt pour la peinture génoise qui se manifeste : coloris roussâtre où les rouges et les blancs éclatent avec une violence sourde. Les œuvres des dernières années perdent cette intensité : le coloris s'allège, un souci de grâce apprêtée s'introduit, comme dans le portrait de Marie-Maximilienne von Sternberg en bergère (1663, Galerie nationale, Prague). Héraut de la renaissance artistique en Bohême, Škréta, sans être un peintre de génie, est probablement l'un de ceux qui ont le plus contribué à préparer le superbe épanouissement du xviiie siècle tchèque.

— Georges BRUNEL

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure, agrégé de lettres, conservateur des objets d'art des églises de la Ville de Paris

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  • PRAGUE

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    • 5 215 mots
    • 5 médias
    ...façade des Carmes déchaussés adopte le modèle de l'église romaine de Soria, placée elle aussi sous le vocable de la Vierge des Victoires. Avec le peintre Karel Skréta, protestant né à l'ombre du Tyn en 1610 et revenu à Prague vers 1638, converti au catholicisme après dix ans passés en Italie, la liaison...