FABERGÉ KARL (1846-1920)
Karl (prénoms russes Karl Goustavovitch, prénoms allemands Peter Karl) Fabergé est né à Saint-Pétersbourg en 1846. Il descendait de huguenots français émigrés en Allemagne. Son père Gustave Fabergé (1814-1893), né à Parnau, fonda en 1842 dans la capitale impériale une firme de joaillerie. En 1870, à l'âge de vingt-quatre ans, Karl reprit l'affaire de son père et transforma le modeste atelier qui ne fabriquait que des bijoux en célèbre entreprise d'orfèvrerie. Pourtant, il ne fut pas lui-même un artisan-orfèvre. Son génie se développa essentiellement dans l'organisation générale de l'affaire et dans la supervision artistique et technique.
La firme Fabergé était en réalité un ensemble d'ateliers dirigés par des maîtres d'origine aussi bien russe (Mikhaïl Perkhine) que suédoise et finlandaise (Erik Kollin, Henrik Wigström, August Wilhelm Holmström) qui se spécialisèrent dans différentes techniques et genres d'objets. Si, avant 1882, le nombre d'employés aux ateliers de Fabergé ne dépassait guère 20 personnes, en 1896 on y comptait 455 artistes et artisans et en 1910 pas moins de 500. Le siège de l'entreprise se trouvait à Saint-Pétersbourg au 24, rue Bolchaïa-Morskaïa ; la société avait également des succursales à Moscou (1887-1917), Odessa (1900-1918), Kiev (1905-1910), des magasins à la foire de Nijni-Novgorod et, à partir de 1903, à Londres. Pourtant, malgré cette extension géographique, l'art de Fabergé fut un phénomène purement pétersbourgeois, fortement marqué par la proximité de la cour, dont il était fournisseur (avec le Brevet impérial reçu en 1884), et du musée de l'Ermitage, dont les trésors lui servaient de modèles, ainsi que par le groupe qui s'était constitué autour de la revue Le Monde de l'art qui se distinguait par son passéisme nostalgique, son amour pour la France du siècle de Louis XIV et sa passion pour le xviiie siècle.
Le style de Fabergé ne s'écarte guère de l'orientation stylistique de la fin du xixe siècle : il oscille entre l'éclectisme et l'Art nouveau. Mais, à la différence des orfèvres moscovites, Fabergé ne se lance que très rarement dans les fantaisies néo-russes du courant nationaliste. Les œuvres de Fabergé se distinguent toujours par une simplicité aristocratique, une sorte de froideur fondée sur l'élégance des lignes et la sobriété des couleurs qui sont à l'image de la ville de Saint-Pétersbourg. Dans ses objets les gemmes n'apparaissent que sous la forme de rares accents colorés ou de simples bordures. Beaucoup plus utilisées sont les pierres semi-précieuses provenant de l'Oural – malachite, lapis-lazuli, néphrite, quartz, agate, jaspe – que l'artisanat russe a toujours préférées. Mais la technique de prédilection de Fabergé reste l'émail dont il fabrique plus de cent nuances et, tout particulièrement, l'émail guilloché qui consiste à inciser une surface en or ou en argent que l'on recouvre ensuite d'une couche d'émail transparent, afin de laisser visible le motif gravé. L'effet obtenu fait penser aux reflets de la moire.
Bien que nombre d'artistes qui travaillaient pour Fabergé eussent excellé dans la création des bijoux, la véritable spécialité de la firme fut ce qu'on appelait alors les « objets de fantaisie ». Ces petits riens de luxe, par référence aux « jolités » du xviiie siècle – boîtes à cigarettes (petites-filles des tabatières), boîtes à bijoux, cadres pour miniatures et photographies, coupe-papiers, chandeliers, horloges, vases et surtout bibelots, objets curieux sans destination précise, cadeaux sentimentaux qui envahissaient les intérieurs – connurent, dans les années 1880-1900, une véritable vogue dans la société russe. Il y avait aussi de petits meubles stylisés (tables ou chaises), des[...]
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Écrit par
- Olga MEDVEDKOVA : chargée de recherche au centre André-Chastel, université de Paris-IV-Sorbonne, docteur en histoire et civilisation de l'École des hautes études en sciences sociales, habilitée à diriger les recherches
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Média