POPPER KARL RAIMUND (1902-1994)
Philosophe et épistémologue, Karl Raimund Popper est né à Vienne en 1902. Une fréquentation longue et désintéressée de l'université de cette ville lui permit d'acquérir une formation scientifique, philosophique et musicale, tandis qu'il travaillait comme ébéniste, puis comme social worker auprès d'enfants défavorisés, enfin comme enseignant. Il obtient le doctorat de philosophie en 1928 et enseigne en Nouvelle-Zélande de 1937 à 1945, puis à Londres, où il sera professeur de logique et de méthodologie des sciences à la London School of Economics and Political Science (1945-1969) et à l'université elle-même (1949-1969), tout en donnant de nombreuses séries de cours dans les grandes universités américaines. Dans son Autobiography, il se présente comme ayant une vie humainement riche et équilibrée et un grand bonheur privé, mais aussi une vive sensibilité aux menaces politiques. Son style offre souvent une verdeur et une vivacité très stimulantes pour le lecteur ; parfois, il se fait presque sommaire à force de radicalité, ou bien il s'alourdit par excès de scrupule et par surcroît d'information. Sa formation s'est effectuée à partir de Frege et de Tarski, puis dans un dialogue avec Quine et avec Carnap, à qui revient, en l'occurrence, le rôle laborieux et constructif du « proposant ». Popper ne veut être ni un philosophe du langage ni un philosophe de la croyance : plus que les significations lui importent les vérités. Dans le domaine des sciences exactes comme dans celui des sciences humaines, cet épistémologue, qui est l'un des grands de notre temps, n'a cessé de nous avertir « que le roi est nu ».
La logique de la découverte scientifique
Comment distinguer, plus précisément comment « démarquer » la science véritable des pseudo-sciences : mythologies, gnoses, idéologies, métaphysiques ?
Telle est l'une des questions initiales auxquelles Popper se trouva très jeune confronté, lorsqu'il rencontra la psychanalyse, puis le marxisme, enfin – rencontre décisive – les théories d'Einstein. Le bilan de ses réponses, multiples, mesurées et circonstanciées, parut seulement en 1935. En premier lieu, Popper rejette la thèse classique selon laquelle les sciences se caractériseraient par leur méthode inductive. Il fait une critique radicale de cette dernière et résout de manière drastique le fameux problème de Hume : il n'existe ni méthode ni logique inductives. Ce n'est pas par un quelconque procédé inductif que l'on parvient aux théories scientifiques. La formation d'une hypothèse est un exercice actif et créateur, non un enregistrement passif de régularités données. Et même si l'induction elle-même permettait d'arriver aux hypothèses, ce n'est certes pas elle qui les justifierait. Une telle critique vise, après Hume, les néo-positivistes du Cercle de Vienne. Ceux-ci, en effet, s'efforçaient de distinguer énoncés pourvus de sens et énoncés dépourvus de sens, la vérifiabilité empirique fournissant la condition nécessaire, et donc le critère, pour qu'un énoncé soit pourvu de sens et puisse bénéficier d'un statut scientifique. Popper substitue à cette thèse une idée moins ambitieuse, qui lui avait été suggérée par Einstein et selon laquelle ce qu'il appellera du terme désormais classique de « testabilité » constitue la marque de la scientificité des énoncés comme des théories. « Ce qui m'a impressionné le plus, note Popper à propos d'Einstein, est qu'il considérait sa théorie comme insoutenable si elle ne résistait pas à l'épreuve de certains tests. » L'attitude scientifique est ainsi l'attitude critique qui ne cherche pas des vérifications mais des tests cruciaux, des tests qui peuvent réfuter la théorie, mais ne parviennent jamais à l'établir[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Françoise ARMENGAUD : agrégée de l'Université, docteur en philosophie, maître de conférences à l'université de Rennes
Classification
Média
Autres références
-
ÉPISTÉMOLOGIE
- Écrit par Gilles Gaston GRANGER
- 13 112 mots
- 4 médias
...parallèle à la logique déductive. Les autres analysent plus concrètement les procédures de pensée qui aboutissent à formuler les régularités empiriques. Seul Popper, il est vrai, se réfère de façon explicite, quoique le plus souvent très schématisée, aux démarches qui s'expriment dans les œuvres mêmes de la... -
EXPÉRIENCE
- Écrit par Pascal ENGEL
- 7 147 mots
- 1 média
...Jacob, 1980). Carnap finit par admettre, dans les années 1950, que les termes théoriques étaient probablement inéliminables, en partie sous l'influence de Popper, qui soutient que le seul véritable critère de « démarcation » de la science et de la métaphysique est la réfutabilité des énoncés scientifiques,... -
FEYERABEND PAUL (1924-1994)
- Écrit par Alban BOUVIER
- 1 045 mots
Né à Vienne, mobilisé dans l'armée allemande à dix-huit ans, Paul Feyerabend poursuit ses études à Londres et y refuse à vingt-neuf ans le poste d'assistant que Popper lui proposait, comme il avait refusé un peu plus tôt de devenir l'assistant de Brecht. S'il ne dit pas grand-chose de ce qui le lia...
-
HEURISTIQUE
- Écrit par Jean-Pierre CHRÉTIEN-GONI
- 8 426 mots
- 3 médias
...heuristique, on ne voit pas quelle rationalité, autre que celle incluse dans la psychologie du processus ou l'écologie de la découverte, pourrait être invoquée. « Il n'y a pas de méthode permettant de créer des idées neuves, pas plus qu'il n'y a de reconstruction logique du processus en question », écrit Karl... - Afficher les 15 références