RICHTER KARL (1926-1981)
Organiste, claveciniste, maître de chœur et chef d'orchestre, Karl Richter a, pendant plus d'un quart de siècle, passionnément servi l'art de Jean-Sébastien Bach à la tête du Chœur et de l'Orchestre Bach de Munich.
Né le 15 octobre 1926 à Plauen (Saxe), Karl Richter a vécu toute son enfance dans un climat à la fois spirituel et musical : son père était pasteur et vouait un culte admiratif à l'art de Bach. Avant d'aller lui-même à Leipzig, ville par excellence du grand cantor, Karl Richter fréquenta la Kreuzschule de Dresde, où il suivit notamment les cours de Rudolf Mauesberger, de Karl Straube, de Günther Ramin et de Kobler. Straube et Ramin, les plus connus de ses professeurs, sont aussi ceux qui marquèrent le plus profondément leur élève. À l'âge de vingt ans, Karl Richter dirige le chœur de la Christkirche de Leipzig et, un an après, en 1949, il est nommé titulaire de la tribune de Saint-Thomas, qui fut jadis celle de Bach. Il se consacre à la fois à l'orgue, au clavecin, à la direction chorale et à la direction d'orchestre. Ainsi est-il un cantor, un maître de chapelle, au sens accompli du terme, dans la tradition née voici plusieurs siècles et qui s'est poursuivie à la Thomanerkirche. Cependant, en 1951, Richter quitte la République démocratique allemande, en pleine guerre froide, pour s'installer à Munich. Peu après son arrivée, il fonde le Chœur et l'Orchestre Bach et commence immédiatement une série de concerts et d'enregistrements dont la renommée déborde bientôt les frontières bavaroises en raison de la qualité et de la noblesse de l'interprétation. Dans le même temps, il poursuit sa carrière d'organiste et accepte la tribune de l'église Saint-Marc de Munich, où il officie en tant que maître de chapelle. Il enregistre pour la firme Archiv Produktion un grand nombre de cantates de Bach, les Passions, le Magnificat en ré majeur. On lui reconnaît partout une direction passionnée, à la rythmique vigoureuse, qui sait stimuler aussi bien les voix que les instruments.
L'intensité de son émotion est transmise avec un maximum d'efficacité à ses interprètes (on peut à cet égard citer, parmi bien d'autres exemples, la cantate BWV 137, Lobe den Herren). Très exigeant avec ses musiciens et ses chanteurs, il sait aussi s'entourer des meilleurs solistes vocaux : Gundula Janowitz, Christa Ludwig, Peter Schreier, Maria Stader, Hertha Töpper, Dietrich Fischer-Dieskau...
Resté à l'écart des recherches baroquisantes préconisées par certains chefs comme Nikolaus Harnoncourt ou Gustav Leonhardt, il a œuvré dans la ligne de ses prédécesseurs, suivant la ligne stylistique née au xixe siècle. L'expressivité de son modelage des voix et des timbres instrumentaux a atteint des sommets rarement égalés. Sa fougue naturelle, son impulsivité jaillissante ont toujours eu un profond pouvoir de persuasion, non sans surprendre parfois l'auditeur ; on lui a, de ce fait, reproché quelque outrance.
Cependant, ce sont peut-être ses interprétations à l'orgue qui souffriraient le plus de la critique ; la tradition de l'école de Leipzig, qu'il défendait ardemment, est empreinte d'une sévérité qui n'est pas celle que les jeunes écoles d'orgue préfèrent. On lui est cependant redevable d'avoir toujours choisi des instruments de valeur, notamment des Silbermann. Ainsi, dans les Fantaisies pour orgue de Mozart, sa rigueur habituelle, alliée à son « exaltation dansante » – pour reprendre une juste appréciation de Maurice Mehl –, est en parfaite adéquation avec le propos musical.
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Écrit par
- Pierre-Paul LACAS : psychanalyste, membre de la Société de psychanalyse freudienne, musicologue, président de l'Association française de défense de l'orgue ancien
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