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JEAN-PAUL II, KAROL WOJTYLA (1920-2005) pape (1978-2005)

Œcuménisme et dialogue inter-religieux

Le front de l'œcuménisme enregistre également des oscillations. Dans des encycliques comme Orientale Lumen et Ut unum sint de 1995, le pape affirme le respect dû aux spécificités, aux traditions et aux structures particulières des « Églises sœurs » et reconnaît la nécessité de réviser l'absolutisme inhérent à l'exercice du primat universel de juridiction du pontife romain. En revanche, en 2000, dans une lettre aux Conférences épiscopales, le cardinal Ratzinger recommande au contraire la prudence dans l'usage du terme « Églises sœurs », bien qu'il ait été autorisé par le Concile pour désigner les Églises orthodoxes, anglicanes et protestantes.

La politique œcuménique se fonde sur l'exercice d'un ministère de la présence, plus que sur des développements doctrinaux. La prière de Jean-Paul II dans la cathédrale de Canterbury le 29 mai 1982 et le document commun sur l'Autorité dans l'Église n'évitent pas la crise avec les Anglicans sur l'élévation des femmes au sacerdoce et même à l'épiscopat. Par son humilité et ses déclarations autocritiques, le pape obtient, au cours de ses voyages dans des nations orthodoxes comme la Roumanie et la Grèce, un résultat œcuménique qui va bien au-delà des attentes. Au contraire, sa visite en Ukraine, en 2001, effectuée malgré l'opposition de l'Église orthodoxe ukrainienne, aggrave l'état déjà fébrile des relations entre le Vatican et Moscou. Par la suite, Jean-Paul II a manifesté une réelle volonté de redresser la situation en faisant quelques gestes apaisants comme l'envoi en 2004 de l'icône de Kazan au Patriarche de Moscou et en tentant de contenir, dans l'aire orthodoxe, les activités prosélytes des cercles catholiques polonais et lituaniens.

Le pontificat se caractérise également par la volonté d'étendre l'universalisme catholique aux mondes religieux différents qui émergent et communiquent entre eux à travers les flux de la globalisation, faisant ainsi voler en éclats d'anciennes frontières. L'idéologie de la chrétienté s'appuie sur la prétention à constituer un système autosuffisant, unique voie du salut. Si le pape développe les ouvertures conciliaires de dialogue avec les autres croyances, il recule pourtant devant les risques qu'un tel dialogue comporte pour un système construit sur le principe « hors de l'Église, point de salut » (Extra Ecclesiamnullasalus). Le dessein œcuménique se traduit bien plus par des actes que par une théologie du dialogue inter-religions mûrement réfléchie.

De la visite en 1986 à la grande synagogue de Rome jusqu'au pèlerinage silencieux au mur des Lamentations de Jérusalem en 2000, sans oublier l'acte de repentance de 1998 intitulé Nous nous souvenons. Une Réflexion sur la Shoah, pour les erreurs et les fautes commises par des chrétiens au moment de la Shoah, le pape conduit un mouvement qui veut rétablir les liens entre chrétiens et juifs, mettre fin à « l'enseignement du mépris ». En 1989, devant les réactions du monde juif, il ordonne le déplacement du carmel ouvert sur le site d'Auschwitz. Ses espérances de paix pour la Terre sainte le conduisent à signer, en 1993, un accord historique avec l'État d'Israël. Des relations diplomatiques sont nouées avec ce dernier, contrebalancées par des relations analogues avec l'Autorité palestinienne. Pourtant, l'« Accord fondamental » s'avère plutôt décevant pour le Vatican, frustré dans ses projets de statut international pour Jérusalem. Enfin l'action du pape en faveur de la paix israélo-palestinienne et des droits des Palestiniens est mal interprétée.

À l'heure où le débat sur l'islam s'exacerbe, Jean-Paul II se fait, le 7 mai 2001, pèlerin aux pieds nus dans la mosquée de Damas[...]

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Écrit par

  • : journaliste-écrivain, président du Centre national de la presse catholique
  • : professeur d'éthique de l'information à l'université de Padoue, correspondant de presse accrédité auprès du Saint-Siège depuis 1961

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Médias

Intronisation de Jean-Paul II - crédits : Keystone/ Getty Images

Intronisation de Jean-Paul II

Vue de Saint Pierre de Rome - crédits : David Lees/ The LIFE Images Collection/ Getty Images

Vue de Saint Pierre de Rome

M<sup>gr</sup> Lefebvre célébrant une messe en 1977 - crédits : Central Press/ Hulton Archive/ Getty Images

Mgr Lefebvre célébrant une messe en 1977

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