SZYMANOWSKI KAROL (1882-1937)
Changements de climats
Au cours des derniers mois précédant la guerre, le compositeur se déplace beaucoup : la Sicile et Palerme, Rome, l'Algérie, Biskra, Constantine, Tunis. Ensuite, via Paris, il atteint Londres où il rencontre Diaghilev et Stravinski. Une amitié s'esquisse avec ce dernier, mais les événements de 1914 se précipitent et Szymanowski retourne en Pologne par les tout derniers trains encore en service. En 1915, il rencontre à Kiev son ami Paul Kochanski, qui sera l'inspirateur d'une série de très populaires compositions pour violon : Mythes op. 30, triptyque pour violon et piano inspiré par la mythologie grecque, Nocturne et Tarantelle et, en 1916, Premier Concerto pour violon op. 35, influencé par le poème La Nuit de mai du poète polonais Micinski. La même année, Szymanowski termine sa Troisième Symphonie pour ténor (ou soprano), chœur et orchestre, œuvre inspirée par l'Hymne à la nuit du poète perse du xiiie siècle Djalal-ad-Din Roumi. La liste des œuvres pour piano grandit aussi, avec les trois Métopes op. 29, inspirées aussi bien par les sculptures des temples siciliens que par l'Odyssée ; elle se poursuit par le cycle de Douze Études et la Troisième Sonate op. 36, ainsi que par la plus complexe d'harmonie et de contrepoint de ses œuvres pianistiques, Masques, sorte de portrait de trois personnages : Schéhérazade, Tantris et Don Juan. Ces œuvres marquent les progrès d'un certain constructivisme et d'un détachement d'avec les ivresses sensuelles arabes ou grecques. En même temps, Szymanowski travaille à deux cantates d'inspiration mythologique sur des poèmes de sa sœur Zofia, mais Agave reste inachevée et Déméter sera terminée en 1924 seulement.
À la suite de cette série des compositions « à programme », le Premier Quatuor pour cordes signifie le retour à la musique pure. Mais cette période féconde est brusquement interrompue par la guerre qui, atteignant l'Ukraine, oblige toute la famille à quitter Tymoszówka. Devant la « Magnifique Révolution » – comme Szymanowski l'appellera plus tard –, la famille se réfugie à Ielisavetgrad. Son domaine familial et ses biens disparaissent dans les feux de la révolution d'Octobre, sa bibliothèque et ses deux pianos seront engloutis dans un lac. Toute sa vie, le compositeur sera contraint de travailler sur des pianos de location. Bloqué jusqu'en 1919 à Ielisavetgrad, il achève son Quatuor, avec sa fugue tritonale conclusive, d'une âpreté toute stravinskienne.
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Écrit par
- Michel PAZDRO : musicologue, journaliste
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