SZYMANOWSKI KAROL (1882-1937)
Le folklore montagnard
Cette source, qu'il dédaignait en tant que compositeur dans ses jeunes années, l'attire maintenant avec une telle force qu'il décide de passer le plus de temps possible dans la région de hautes montagnes des Tatras, prenant comme base cette véritable capitale du folklore montagnard qu'était Zakopane. C'est là que voient le jour plusieurs partitions décisives pour sa période « nationale » : le balletHarnasie (1923-1931), cette quintessence du folklore des Tatras, plein d'aspérités, à l'ample respiration mélodique, au violent tempérament rythmique. La création de ce ballet à l'Opéra de Paris, en 1936 (avec Serge Lifar), reste l'un des plus grands succès de Szymanowski en France. À Zakopane naissent aussi les Vingt Mazurkas pour piano, où le compositeur mêle le rythme d'une danse de Mazovie aux mélodies montagnardes. Enfin, le Deuxième Quatuor pour cordes voit le jour en 1927. La région de Podhale, unique par son puissant folklore, attirait depuis toujours les plus grands noms de la culture polonaise : Tetmajer et Kasprowicz, Zeromski et Witkiewicz, Nałkowska et Słonimski, Malczewski... C'est dans cette région que Szymanowski travaille à son chef-d'œuvre : l'opéra Le Roi Roger. L'idée d'un opéra se déroulant en Sicile au temps des rois normands hantait le compositeur depuis ses deux voyages : en 1911 (Palerme-Agrigente-Syracuse-Taormine-Naples), et en 1914 (Sicile et Maghreb). La première esquisse du livret date de 1918, lorsque le compositeur rencontre le poète Jaroslaw Iwaszkiewicz, l'auteur du texte du Roi Roger. Szymanowski consacre quatre ans à la composition de son magnum opus. Mais, entre-temps, l'influence de Stravinski – celui du Sacre – avait grandi et, si Le Roi Roger semble faire la synthèse de ses rêves orientalisants et médiévaux, le compositeur est déjà engagé dans sa troisième période créatrice, celle qui fera de lui le plus grand compositeur polonais après Chopin ; elle voit naître des chefs-d'œuvre de style purement national : le Stabat Mater, Harnasie, la Symphonie concertante et le Deuxième Concerto pour violon. Le langage musical du Roi Roger représente donc l'apogée de la seconde manière de Szymanowski : Debussy et Ravel d'une part, Scriabine de l'autre, sont les principales influences auxquelles il se réfère.
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Écrit par
- Michel PAZDRO : musicologue, journaliste
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