SZYMANOWSKI KAROL (1882-1937)
Les honneurs
Le prestige de Szymanowski grandit toujours, tant à l'étranger (le compositeur séjourne souvent à Paris) qu'en Pologne, où le Conservatoire de Varsovie lui propose le fauteuil de directeur. Au même moment lui parvient une offre identique, émanant du Conservatoire du Caire. Le compositeur doit alors choisir entre un climat excellent pour sa santé (il souffre de tuberculose) et des conditions financières attirantes en Égypte, d'un côté, une atmosphère artistiquement réactionnaire et presque hostile à Varsovie, de l'autre. Il décide, en vrai patriote, de se consacrer à son rôle de pédagogue auprès des jeunes compositeurs polonais. Mais bientôt un conflit concernant ses méthodes d'enseignement, tournées plus vers l'avenir et la création que vers l'interprétation des vieux maîtres, éclate et provoque sa démission. Il passe plusieurs mois à Davos et à Edlach, où, lors de ses cures en sanatorium, il écrit un important texte sur le rôle de la culture musicale dans la société, véritable credo du pédagogue conscient de son rôle et soucieux de l'avenir de la musique polonaise. Lorsqu'il revient en 1930 à Varsovie, le Conservatoire – qui a, entre-temps, changé ses structures – lui propose une fonction plus prestigieuse encore, celle de recteur. Szymanowski accepte avec une certaine satisfaction cet hommage, ainsi que le titre de docteur honoris causa de l'université Jagellon de Cracovie, qui lui sera décerné la même année. Un peu plus tard, il sera élu membre honoraire de l'académie de Sainte-Cécile à Rome, puis ce sera le tour de la Société de musique contemporaine de lui décerner son titre honoraire, le situant ainsi au même niveau que Strauss, de Falla, Ravel, Stravinski et Bartók.
Mais les difficultés rencontrées au Conservatoire de Varsovie pèsent d'un tel poids qu'il démissionne définitivement. Afin d'améliorer sa situation financière, qui est catastrophique, il conçoit une œuvre comportant une partie pianistique qu'il se réservait de jouer en soliste : la Quatrième Symphonie. Mais les tournées de concerts dont le programme inclut cette œuvre le fatiguent à tel point qu'il retourne dans son bien-aimé Zakopane. Là, avec l'aide de Paul Kochanski, il écrit le Deuxième Concerto pour violon, avec une célèbre cadence composé par Kochanski, son conseiller et inspirateur en matière de violon.
Pendant les deux dernières années qui lui restent à vivre, Szymanowski mène un train de vie épuisant, et voyage comme soliste en jouant la Quatrième Symphonie aux quatre coins de l'Europe, à Moscou, Bucarest, Belgrade, Zagreb, Sofia, Berlin, Copenhague, Londres, Glasgow, Liège, Paris...
Après 1936, il ne compose pratiquement plus. Il trouve encore la force d'assister à la première de son ballet Harnasie à l'Opéra de Paris, quitte Varsovie à l'automne 1936, s'arrête à Paris de nouveau et descend à Grasse. Mais la maladie attaque la gorge ; le compositeur ne peut plus ni manger ni parler. Lorsqu'il appelle à l'aide sa fidèle secrétaire polonaise, elle le fait transporter à Lausanne, mais il est déjà trop tard. Mal soignée, négligée par lui-même, la maladie l'emporte le 29 mars 1937, un dimanche de Pâques ; il est âgé de cinquante-quatre ans.
Dans les moments les plus noirs de sa vie, quand il n'arrivait pas à subvenir aux besoins de sa famille, Szymanowski disait qu'il préférait encaisser avant sa mort la somme destinée à son enterrement. Ses obsèques à Varsovie furent, en effet, solennelles et nationales. Sa mort prématurée surprit le pays tout entier, et c'est seulement à ce moment-là que l'on découvrit le véritable sens de son œuvre, qui constitue le point de départ de la jeune musique polonaise. La Seconde Guerre mondiale, cependant, va marquer un temps d'arrêt dans cette reconnaissance de son œuvre, dont une[...]
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Écrit par
- Michel PAZDRO : musicologue, journaliste
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