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MALÉVITCH KASIMIR (1878-1935)

Si l'œuvre de Kasimir Malévitch offre comme un condensé de la plupart des problèmes esthétiques qui ont occupé les artistes du xxe siècle, c'est sans doute parce qu'il avait lui-même une conscience très nette des enjeux historiques de son travail. Son premier texte important s'intitulait Du cubisme au suprématisme. Le nouveau réalisme pictural, mais il aurait très bien pu avoir pour titre quelque chose comme : « du symbolisme au suprématisme, en passant par l'impressionnisme, l'art nouveau, le néo-impressionnisme, l'art nabi, Cézanne, le fauvisme, le cubisme, le primitivisme, et le futurisme ». Bien qu'il ait reçu des bribes d'enseignement académique, Malévitch était fondamentalement un autodidacte : ayant eu à refaire pour lui-même tout le cheminement de l'art qui l'avait précédé depuis un bon quart de siècle, il sut en dégager les lignes de force et les limites et posa avec acuité les bornes d'un nouveau départ.

Initiation par le cubisme

<it>Les Moissonneuses</it>, K. Malévitch - crédits :  Bridgeman Images

Les Moissonneuses, K. Malévitch

Né à Kiev en 1878 dans une famille d'origine polonaise, Malévitch part pour Moscou en 1902, où il reçoit ses premiers rudiments d'éducation artistique tout en prenant activement part à la révolution manquée de 1905. Jusqu'en 1913, quoique souvent de qualité exceptionnelle, son œuvre porte surtout la marque de son apprentissage des codes de l' avant-garde européenne ; que l'on songe au Baigneur fauve de 1910 ou au Bûcheron « tubiste » de 1912, pour reprendre une épithète souvent appliquée à Léger (les deux œuvres sont au Stedelijk Museum d'Amsterdam), ou encore au Remouleur futuriste de la même année (au Guggenheim Museum de New York). Pour cette initiation, Malévitch, comme tous les artistes de l'avant-garde russe, bénéficiait paradoxalement d'un avantage considérable par rapport à ses confrères européens : la pré-sélection extraordinaire opérée par les collectionneurs Chtchoukine et Morozov dans le foisonnement de la production artistique occidentale en ce début du xxe siècle. Contrairement à leurs collègues français, par exemple, qui n'avaient du cubisme qu'une idée édulcorée – puisque ni Braque ni Picasso n'ont exposé publiquement entre 1908 et 1919 –, les Moscovites pouvaient voir sur invitation les meilleures œuvres de ces deux artistes (mais aussi de Matisse), parfois à peine quelques mois après qu'elles eurent été réalisées. 1913 marque l'arrivée à Moscou du cubisme « synthétique » (la collection Chtchoukine s'enrichit alors du Violon, 1912, du Violon sur une table, 1913, et des Instruments de musique, 1913, de Picasso) : c'est une véritable révélation pour Malévitch. Le linguiste Roman Jakobson, qui visita la collection en compagnie du peintre, expliqua fort clairement ce que découvrit Malévitch en face de ces toiles révolutionnaires, à savoir qu'un tableau ne peut être un « bout de nature », comme le croyaient encore les impressionnistes, mais qu'il est un ensemble de signes arbitraires articulés selon une grammaire spécifique. Plus même, que le travail du cubisme consista à explorer cet écart entre le signe et la réalité, à souligner la nature arbitraire du signe pictural, tout comme la linguistique alors naissante analysait la nature purement oppositionnelle des signes du langage.

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Écrit par

  • : professeur d'histoire de l'art à l'université Harvard

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<it>Les Moissonneuses</it>, K. Malévitch - crédits :  Bridgeman Images

Les Moissonneuses, K. Malévitch

<it>Un Anglais à Moscou</it>, K. Malévitch - crédits : M. Carrier/ De Agostini/ Getty Images

Un Anglais à Moscou, K. Malévitch

Tableaux de Kasimir Malévitch - crédits : Stedelijk Museum, Amsterdam, Pays-Bas

Tableaux de Kasimir Malévitch

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