KAVERINE VENIAMIN ALEXANDROVITCH ZILBER dit (1902-1989)
Veniamin Alexandrovitch Zilber, dit Kaverine, fait ses débuts en littérature dans le groupe des Frères Sérapion à Petrograd en 1921, tout en étant très lié à Tynianov, dont il épouse la sœur. Comme Lunz, il pense que la littérature russe doit emprunter à l'Occident le sens de l'intrigue et de l'aventure ; ses premiers récits mettent en œuvre cette conception. C'est Hoffmann qui l'inspire dans son recueil Maîtres et apprentis (Mastera i podmasteŕja, 1923), dont le cadre est l'Allemagne du Moyen Âge. Le fantastique des alchimistes fait place à la science-fiction dans Le Tonneau (Bočka, 1923). Kaverine ne se tournera vers la réalité russe qu'après 1925, d'abord avec La Fin de Khaza (Konec Khazy, 1924), qui décrit le « milieu » de Leningrad dans une parodie de roman policier, et surtout dans Neuf Dixièmes (Devjat' Desjatykh), nouvelle qui, pour la première fois, traite le problème de l'individu face à la Révolution. Il reprendra ce thème de manière moins romanesque et plus philosophique dans une œuvre capitale, Peintre inconnu (Khudožnik neizvesten, 1931). À partir de ce moment, Kaverine est contraint de se soumettre aux régles imposées par le réalisme socialiste. Pourtant, dans ses longs romans réalistes écrits dans une langue plus neutre, il conserve son talent d'auteur qui sait tenir le lecteur en haleine. C'est ce qui fait pour une grande part des Deux Capitaines (Dva Kapitana, 1940-1944) un best-seller de la littérature soviétique pour les jeunes. Dans la trilogie romanesque composée après la guerre (Jeunesse, Junost', 1949 ; Recherches, Poiski, 1952 ; Espérances, Nadeždy, 1956), les héros sont les savants soviétiques ; leurs aventures, ce sont les recherches qu'ils mènent et leur lutte contre les falsificateurs et les profiteurs de la science. On voit que ces romans, et le dernier de manière explicite, dénoncent les méfaits du stalinisme dans le domaine de la création intellectuelle. Après la mort de Staline, Kaverine compose des œuvres importantes : Sept Couples d'impurs (Sem' Parnečistykh, 1961) et le Portrait double (Dvojnoj Portret, 1966) dénoncent la répression politique sous Staline ; L'Ami inconnu (Neizvestnyj Drug, 1960) et Devant le miroir (Pered Zerkalom, 1971) sont des œuvres de souvenirs personnels et de réflexion sur la destinée de l'individu. Il poursuit cette ligne dans Les Fenêtres éclairées (Osveščennye okna et Petropavlovskij student, 1976) et dans Hier (Včerašnij den', 1979) où il ressuscite l'atmosphère du Petrograd au lendemain de la révolution, avec les Frères Sérapion, les formalistes... Ses derniers romans, Une promenade de deux heures (Dvuhčasovaja progulka, 1978) et La Science des adieux (Nauka Rasstavanija, 1983), ne sont pas à la hauteur de ses œuvres précédentes. En même temps, Kaverine lutte pour la réhabilitation et la publication des écrivains interdits et prend la défense de la littérature et des auteurs contre les nouvelles attaques dont ils sont l'objet.
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Écrit par
- André RADIGUET : agrégé de l'Université, ancien élève de l'École normale supérieure de Saint-Cloud, maître assistant à l'université des langues et lettres de Grenoble
Classification
Autres références
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SÉRAPION LES FRÈRES DE (1921-1925)
- Écrit par André RADIGUET
- 778 mots
Le groupe littéraire des Frères de Sérapion s'est formé dans le Petrograd de 1920-1921, au lendemain de la révolution, à un moment où la ruine économique et les bouleversements sociaux menaçaient en Russie l'existence même de la littérature. Il s'inscrit dans le processus de renaissance de la prose,...