LOACH KEN (1936- )
Montrer l'exploitation
Le détour par un cas individuel n'implique aucune renonciation de Loach au discours politique. Days of Hope (BBC, 1976), qui retrace l'histoire du mouvement ouvrier et travailliste anglais entre 1916 et 1926, est sans ambiguïté, tout comme The Price of Coal (BBC, 1977), faux documentaire irrévérencieux sur la visite du prince Charles dans une mine du Yorkshire. Il en va de même pour The FlickeringFlame (TV, 1997), sur une grève des dockers de Liverpool, ou pour le long-métrage The Navigators (2001), autour de la restructuration des chemins de fer britanniques à l'époque de Margaret Thatcher. La situation et les luttes ouvrières, particulièrement dans les régions minières et métallurgiques qu'il connaît personnellement, constituent d'ailleurs l'arrière-fond de Kes comme le point de départ de Regards et sourires. Mais Loach étend son propos à toute forme d'exploitation. Dans Raining Stones (1993), un chômeur est conduit à l'homicide involontaire d'un usurier pour pouvoir acheter la robe de communiante de sa fille. My Name is Joe (1998), situé à Glasgow, décrit une population marginalisée que le chômage enferme dans les petits boulots au noir, l'alcoolisme et la drogue. Riff-Raff (1991), manifeste d'antithatchérisme, traite également du travail au noir et des conditions de salubrité faites aux ouvriers du bâtiment. Sous l'impulsion de Maya, une dynamique Mexicaine entrée clandestinement aux États-Unis, les employées d'une entreprise de nettoyage de Bread and Roses (2000), tourné en Californie, ont raison du patronat qui les exploite, hors de toute organisation syndicale officielle. It's a Free World (2007) montre l'exploitation des travailleurs de l'Est ou du Tiers Monde après l'ouverture des frontières européennes. Se détache ici le portrait d'Angie (Kierston Wareing), patronne de l'entreprise de recrutement, entre intérim et trafic d'ouvriers-esclaves, dont le cynisme se justifie par la rage de « s'en sortir ». C'est aussi le cas du jeune Liam de SweetSixteen (2002), qui tente de concilier la réhabilitation tant morale que sociale et juridique de sa mère et de sa sœur avec des activités plus que discutables sur ces trois plans. Dans la majorité des cas – malgré le trop schématique et démonstratif Hidden Agenda (Secret défense, 1990) –, la vision de Ken Loach privilégie une approche dialectique qui ne condamne jamais des personnages souvent dotés d'un humour et d'une vitalité toniques (Peter Mullan, prix d'interprétation à Cannes dans My Name is Joe), mais met en évidence leurs contradictions, en même temps que celles du « système social » où ils se débattent.
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Écrit par
- Joël MAGNY
: critique et historien de cinéma, chargé de cours à l'université de Paris-VIII, directeur de collection aux
Cahiers du cinéma
Classification
Médias
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