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LOACH KEN (1936- )

Un cinéma engagé

Ken Loach n’a jamais caché ses engagements politiques d’extrême gauche, à tel point qu’avec lui même le sentimental « Roméo et Juliette » qu’est Just a Kiss (2004) devient un affrontement entre communautarismes pakistanais et catholiques, dominé par les préjugés religieux et de classe... Plusieurs films qui reviennent sur des temps forts de l’histoire politique internationale ont accru la réputation du réalisateur. C’est d’abord le cas de Fatherland (1986), situé à Berlin. À travers le parcours d'un chanteur-compositeur contestataire, Loach relie les relations Est-Ouest d'avant la chute du Mur avec la situation contemporaine, et le poids du système stalinien comme du passé nazi avec celui du capitalisme « libéral ». En 1995, Land and Freedom interroge plus directement l'histoire en abordant la guerre civile espagnole, « histoire d'une révolution trahie ». Ce retour polémique sur les luttes de pouvoir entre anarchistes, trotskistes et communistes débouche, après l'effondrement du bloc communiste, sur ce constat : « Le socialisme n'a pas échoué, il reste à faire. »

Ken Loach - crédits : 16 Films/ Ronald Grant Archive/ The Ronald Grant Archive/ Photononstop

Ken Loach

Mais, pour lui, comme pour Paul Laverty, son scénariste quasi attitré depuis Carla’s Song, importe plus que tout la situation irlandaise. Au-delà de son intérêt historique, elle renvoie à l’impérialisme britannique, au colonialisme, au capitalisme international, à l’exploitation des individus comme des peuples, au poids des idéologies, des religions et des traditions. Ken Loach lui a consacré une série télévisée en 1974, Days of Hope, puis a réalisé en 1990 l’estimable mais très démonstratif Hidden Agenda (Secret défense), un thriller politique très éloigné de sa manière, mais qui reçut le prix spécial du jury au festival de Cannes. C’est encore un sujet irlandais qui donne au cinéaste un statut international confirmé par une palme d’or cannoise en 2006 : dans The Wind That Shakes the Barley (Le vent se lève), l'itinéraire des deux frères O'Donovan, dans l'Irlande de 1920, lorsque débute la lutte armée contre l'occupant britannique, sert de trame au récit. D'abord unis, les deux jeunes hommes devront s'affronter, jusqu'à ce que l'ex-séminariste Teddy fasse exécuter l'inflexible Damien. Le film a été violemment critiqué pour sa description impitoyable des exactions des Black and Tans britanniques. Mais Loach et Laverty ont avant tout cherché à analyser les forces en présence, en évitant avec soin de dissocier le combat nationaliste de la lutte anti-impérialiste et de l'engagement socialiste. Plus que jamais, le destin individuel et collectif est lié au terrain, ici à la lumière du comté de Cork, magnifié par l'opérateur Barry Ackroyd.

En revanche, lorsqu’il s’éloigne de l’Irlande, Loach se montre bien moins convaincant. Ainsi, dans sa dénonciation de la guerre moderne – en l’occurrence celle d’Irak, en 2007 –, où l'on assiste à la « privatisation » de l’armée de Sa Majesté (Route Irish, 2010). Comme pour faire le point, le metteur en scène revient en 2013 au documentaire avec L’Esprit de 45 (The Spirit of ’45). Le titre résume les espoirs de solidarité et de lutte collective qui suivirent en Grande-Bretagne la Seconde Guerre mondiale. Loach constate avec regret que, surtout après l’ère Thatcher, le capitalisme et les inégalités sociales n’ont pas disparu. Mais « l’esprit de 45 » a lui aussi survécu... Il était alors parfaitement logique que, tout en annonçant l’année suivante son intention de renoncer au cinéma de fiction, il revienne une dernière fois à l’Irlande avec Jimmy’s Hall, une manière de suite au Vent se lève. En 1932, Jimmy, émigré aux États-Unis depuis une dizaine d’années, revient vivre dans la ferme familiale du comté de Leitrim. Sa tentative d’intégration dans cette nouvelle[...]

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Écrit par

  • : critique et historien de cinéma, chargé de cours à l'université de Paris-VIII, directeur de collection aux Cahiers du cinéma

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Médias

Ken Loach - crédits : J Karas/ Hulton Archive/ Getty Images

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Ken Loach - crédits : 16 Films/ Ronald Grant Archive/ The Ronald Grant Archive/ Photononstop

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