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ARROW KENNETH JOSEPH (1921-2017)

Croissance et progrès technique

Dans les années 1960, les échanges entre Paul Samuelson et Joan Robinson sur l'origine de la croissance, connus sous le nom de « Querelle des deux Cambridge », passionnent les économistes. Arrow décide de s'investir dans le débat sur la croissance, mais à sa manière, c'est-à-dire en refusant toute polémique, en cherchant à ne froisser personne et en essayant d'explorer en profondeur tous les aspects du problème. Parmi les éléments de la croissance qui lui paraissent absents du débat, il y a le processus d'apprentissage (il lance en 1962 la formule « learning by doing »). En effet, si, comme tous les économistes, il associe la croissance de long terme à l'évolution de la productivité, il considère que cette productivité augmente certes avec le progrès technique, avec la formation des travailleurs mais aussi, plus simplement, avec l'expérience des gens qui travaillent. D'où l'intérêt des entreprises et de la société à ce que les salariés ne quittent pas trop vite leur fonction, soit de leur fait, soit du fait de restructurations répétées. Il amorce ainsi les travaux connus dans les années 1980 sous le nom de théorie de la croissance endogène, c'est-à-dire des facteurs de croissance qui reposent sur l'amélioration globale de la qualité du travail fourni.

Dans ses travaux sur la croissance, il utilise une fonction de production dite à élasticité de substitution constante (en anglais constant elasticity of substitution, soit C.E.S.) appelée depuis une fonction C.E.S. d'Arrow. Les processus de production décrits par cette fonction sont ceux où l'arbitrage entre capital et travail ne dépend pas de la taille de l'entreprise.

Le but ultime de ses recherches sur la croissance est d'essayer de comprendre le rôle effectif du progrès technique. Mêlant considérations mathématiques, analyses historiques et réflexions personnelles sur la motivation de l'innovation, Arrow conclut que le progrès technique est non seulement à l'origine de la croissance mais encore qu'il est issu de la croissance : une société peu développée innove peu, une société riche multiplie centres de recherche, innovation et investissements de productivité.

Avec le temps, sa réflexion s'est concentrée sur la définition même de ce qu'est le savoir économique. Très agacé par les publications « grand public » où se multiplient prévisions et conseils de placement financier formulés par des experts qualifiés d'économistes, il a coutume d'expliciter sa vision du rôle de l'économiste par une parabole très illustrative : « Demander à un économiste de prévoir avec précision le prix de l'énergie à la fin de l'année revient à demander à un spécialiste de l'évolution quelle est la prochaine espèce qui va évoluer. » Car pour Arrow, l'économiste doit être un savant austère et non une sorte de magicien annonçant à partir de modèles plus ou moins élaborés ce que sera ou ce que devrait être le monde à venir.

— Jean-Marc DANIEL

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