KEU
Sénéchal du roi Arthur, Keu apparaît dans l'entourage du souverain dès les plus anciens textes gallois de la tradition arthurienne. Son nom (en gallois Cei) reposerait sur le prénom latin Gaius, comme celui d'Arthur sur le nom gentilice latin Arturius. Comme Gwalchmei-Gauvain, Keu a des propriétés caractéristiques de certains héros celtes : la chaleur qui se dégage de son corps quand il fait froid, le pouvoir de hausser sa taille à celle du plus haut des arbres, de rester sans dormir neuf jours et neuf nuits. Keu accompagne et assiste Culhwch dans la conquête de la belle Olwein et accomplit un certain nombre des épreuves imposées par le père de la princesse (Culhwch et Olwein, milieu xe s ?). Son seul défaut est une témérité excessive. Dans des textes postérieurs, on raconte que Keu s'est rebellé contre Arthur qui s'était moqué d'un de ses exploits : c'est là une tentative de conciliation entre la tradition galloise qui fait de Keu un grand héros et celle de Chrétien de Troyes qui, au contraire, le ridiculise. Hostile aux largesses du roi, hostile aux dames et à la courtoisie, Keu ne cesse de décrier et de rabrouer, se vantant de ses exploits et répondant toujours le premier aux défis lancés aux chevaliers de la Table ronde. Mal lui en prend : Yvain, qu'il n'a pas reconnu, le renverse au premier choc quand il s'attaque à la fontaine magique (Le Chevalier au lion) ; il est incapable de défendre Guenièvre contre Méléagant (Le Chevalier de la charrette). Keu est un anti-Gauvain : il échoue par sa rudesse et sa violence à persuader Erec de revenir à la cour d'Arthur, là où le chevalier avisé et courtois réussit (Erec et Enide). Poursuivant Escanor, il est renversé et blessé, alors que Gauvain l'emporte peu après sur le ravisseur (L'Atre périlleux, vers 1250). Dans l'Escanor de Girard d'Amiens (1280), Keu joue le rôle, exceptionnel pour lui, d'amoureux timide : il se distingue au tournoi organisé par Canor pour trouver un mari à sa fille Andrivete, mais il retourne à Caerlion sans oser avouer sa passion. Il conserve cependant l'habitude de la raillerie, trait constant de son personnage.
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Écrit par
- Jean-Pierre BORDIER : agrégé de l'Université
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