KHĀRIDJISME
Les positions religieuses
La théologie spéculative n'a pas chez les khāridjites une place de premier plan. Les doctrines les intéressent surtout par leurs applications politiques et sociales. Ils font un grand usage de la notion du kufr (infidélité) et envoient dans l'enfer éternel tous les musulmans non khāridjites depuis ‘Ā'isha, la femme préférée du Prophète, et la plupart des compagnons de Muḥammad. Leurs différentes sectes s'excommunient même entre elles. Les enfants des polythéistes (mushrikūn) iront dans la Géhenne avec leurs parents. Le croyant qui commet une grande faute (kabīra) devient infidèle : ainsi en fut-il d'Iblīs qui connaissait le Dieu unique et ne commit qu'une seule désobéissance.
La doctrine khāridjite est surtout une doctrine d'action. On en trouve une bonne confirmation chez plusieurs poètes de la secte, dont les vers ont été rassemblés par Iḥsān ‘Abbās dans son recueil Shi‘r al-Khawāridj (Dār al-Thaqāfa, Beyrouth, sans date). Qaṭarī b. al-Fudjā'a (tué en 77/696) et Ṭirimmāḥ b. Ḥakīm, tous deux azraqites, chantent la violence, louent la pratique de l'isti‘rād, qui consiste à mettre à mort ceux des musulmans, hommes, femmes et même enfants, qui rejettent leur doctrine, et ils condamnent les qa‘ada qui restent chez eux au lieu d'aller au combat ; ils exaltent la guerre et la mort dans la bataille. Au contraire, ‘Imrān b. Ḥiṭṭān al-Sadūsī, chef de la branche modérée des ṣufrites, rejetait l'isti‘rād ; il fit le panégyrique du meurtrier de ‘Alī ; ses vers sont pleins de réflexions amères sur la vie et de méditations de la mort.
Mais les khāridjites sont loin d'être unanimes sur les questions théoriques. Beaucoup pensent que la foi consiste dans la profession, la connaissance et l'action, les trois restant liées. Mais certains la définissent uniquement par la « connaissance du cœur » ; la profession et l'action n'étant que des conséquences de la sincérité de cette science. Telle secte admet le libre arbitre : Dieu ne crée pas les actes humains, et sa volonté déterminante (mashī'a) ne s'applique pas à eux. Mais d'autres se désolidarisent de cette doctrine.
Ces théories n'ont en somme qu'une importance relative et leur variété même le prouve. En définitive, ce qu'on doit au khāridjisme, c'est d'avoir incarné un certain esprit dès le début de l'islam, esprit qui s'est perpétué plus ou moins ouvertement sous son nom jusqu'à l'époque actuelle.
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Écrit par
- Roger ARNALDEZ : membre de l'Institut, professeur émérite à l'université de Paris-IV-Sorbonne
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