KHARTOUM
Khartoum fut fondé par les Égyptiens, en 1823, lors de la conquête du Soudan (Turkiya), au confluent du Nil Bleu et du Nil Blanc. L'agglomération s'étend démesurément à l'est et à l'ouest aux dépens du désert, alors qu'au sud elle est bloquée par le périmètre irrigué de la Gezireh. Elle comprend, dans une conurbation estimée à 6 millions d'habitants (2006), sur la rive gauche du Nil Blanc, la ville historique d'Omdurman où repose le Mahdi, puis, au nord du confluent, Khartoum-Nord, lié à la construction du réseau ferré par les Britanniques, et enfin Khartoum, la ville égyptienne puis britannique, ordonnée depuis le confluent par l'avenue de l'Indépendance. Cet axe se poursuit jusqu'à l'aéroport que le front d'urbanisation a rattrapé puis englobé. Capitale du condominium anglo-égyptien jusqu'en 1956 puis capitale nationale, son essor est d'abord lié aux activités tertiaires et aux besoins de main-d'œuvre de la culture du coton dans la Gezireh. L'industrie de transformation des produits agricoles a suivi la diversification des cultures dans les périmètres irrigués. Omdurman, ville religieuse, abrite les grandes familles des marchands du commerce au long cours. Plus de trente ans de guerre ont provoqué le déplacement massif des Sudistes chrétiens vers la capitale : en 1993, lors de la visite de Jean-Paul II, les autorités constatèrent qu'un tiers de la population de Khartoum était venu voir le pape. Des réfugiés tchadiens et des déplacés des monts Nuba, du Kordofan et du Darfour les ont rejoints. Tous ces migrants s'installent à la périphérie, sur les déserts : les autorités ont planifié de les regrouper dans des villes-satellites nouvelles qui les éloigneraient des centres. Les équipements, notamment la desserte en eau, en électricité et les transports en commun demeurent insuffisants. Seulement trois ponts, engorgés par de longs embouteillages, traversent les fleuves ; d'autres ponts sont en travaux. À la production des barrages, en amont et en aval, s'ajoute l'électricité d'une centrale thermique et depuis 2009 du barrage de Méroé. L'oléoduc transportant le pétrole extrait au Soudan du Sud alimente une raffinerie qui suffit aux besoins intérieurs. Le réaménagement de la capitale vise surtout à contrôler la population flottante tant à la périphérie que dans la ville. On bâtit de nombreuses mosquées même si, grâce aux missions, on a édifié, en dépit de tracasseries administratives, de nouvelles églises. Depuis l'envol des cours pétroliers, de grandioses projets immobiliers (tours, ponts, hôtels, centre commerciaux) ont circulé : ils font tous du confluent, notamment, un clône de Dubaï ou de Koweït. Toutefois, Khartoum-Nord subit les effets du déclin des chemins de fer. Depuis le coup d'État de 1989, les souks traditionnels sont menacés par l'édification d'immeubles de verre et d'acier, en partie occupés par les administrations et les entreprises pétrolières. Ce centre « moderne », établi sur le confluent, tend à éclipser la ville britannique, remarquable par ses bâtiments de style victorien-oriental, ses campus universitaires (universités nationales du Caire à Khartoum) et son quartier du musée et le musée lui-même. À Omdurman, outre quelques maisons anciennes et la mosquée du Mahdi, on peut encore voir la citadelle et les remparts bâtis par ses partisans. Par ces constructions de prestige, le régime, discrédité par la répression au Soudan du Sud jusqu'à l'indépendance du pays en 2011 et au Darfour depuis 2003, affirme sa puissance et sa volonté de respectabilité.
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Écrit par
- Alain GASCON : professeur des Universités, Institut français de géopolitique de l'université de Paris-VIII, membre du Centre d'études africaines, C.N.R.S., École des hautes études en sciences sociales, chargé de cours à l'Institut national des langues et civilisations orientales
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