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KHATMIYYA

Mot arabe dérivé de « Khatim al-Ṭuruq » (« Sceau des Ṭāriqas », c'est-à-dire des voies religieuses de l'islam) et désignant une secte du Soudan. Son origine est à la fois religieuse et politique, dans la tradition des confréries réformatrices de l'islam (wahhābites d'Arabie, sanūsī de Libye).

Vers 1830, le maître réformiste d'origine marocaine mais vivant en Arabie, Ahmad ibn Idrīs al-Fāsī, envoie au Soudan, comme missionnaire destiné à purifier l'islam du pays, Muhammad ‘Uthman al-Mirghanī (1793-1853). Celui-ci organise ses partisans du Soudan et d'Arabie en une confrérie religieuse, la Mirghaniyya, ou Khatmiyya, nom également donné au quartier général de la secte, à Kassala, près de la frontière érythréenne. Secte la plus importante du Soudan lors de l'insurrection des mahdistes, la Khatmiyya est éclipsée par le triomphe de ces derniers ; ses leaders, descendants d'al-Mirghanī, coopèrent alors avec l'administration turco-égyptienne, puis anglo-égyptienne (établie lors du condominium), qu'ils soutiennent contre les mahdistes. La Khatmiyya est particulièrement puissante dans le nord et l'est du pays. Cependant, après la Première Guerre mondiale, les Britanniques ont tendance à voir dans les descendants du Mahdī un interlocuteur valable, et la Khatmiyya s'allie alors, pour avoir plus de poids contre ses rivaux, au parti Ashiqqa (« des Frères »), fondé en 1943 par Ismā‘īl al-Azharī, partisan d'une « union de la vallée du Nil », c'est-à-dire d'une union avec l'Égypte, dont le roi est aussi appelé « roi du Soudan ». Chaque grand parti nationaliste s'appuie alors sur une confrérie religieuse pour profiter de son influence et de son électorat, et les alliances se retrouvent jusqu'au sein des syndicats du pays, en étroite liaison avec Londres et Le Caire. Mais la Khatmiyya se scinde et les dissidents forment en 1949 le « Front national » sans Azharī. Cependant, en 1952, Azharī retrouve une position politique forte avec la création du Parti national unioniste (NUP), qui a les suffrages d'une partie de la bourgeoisie et des cadres citadins. Grâce au soutien de la Khatmiyya, Azharī engage les négociations pour l'indépendance et devient Premier ministre de la nouvelle République soudanaise le 1er janvier 1956. Mais, incapable de garder le soutien de toute la confrérie, Azharī voit, en juin 1956, des membres de son parti, avec l'appui de la famille Mirghanī, chefs spirituels de la Khatmiyya, faire sécession du NUP pour fonder le Parti démocratique du peuple (PDP) ; Azharī perd sa place au gouvernement. En 1968, lors de l'instauration de la dictature du maréchal Abbroud, l'activité des partis est mise en veilleuse et la Khatmiyya, comme les autres partis politiques, ne reprend un rôle que lors de la mise sur pied, en 1964, d'un « Comité de salut public » contre la dictature. Mais la montée des forces de gauche accentue le conservatisme de la Khatmiyya, ainsi que des mahdistes d'ailleurs. La venue, en 1969, du général Nimeyri au pouvoir et son désir d'instaurer un parti unique socialisant « à la nassérienne » obligent ces forces traditionnelles à la défensive. Toutefois, la répression anticommuniste de 1971 donne aux mahdistes et à la Khatmiyya l'occasion de développer de nouveau leur action à travers le pays. Après les élections de 1986, qui suivent la chute de Nimeyri (1985), le Parti démocratique unioniste (PUD), émanation politique de la Khatmiyya, participe à un gouvernement de coalition jusqu'au coup d'État du général Omar Hassan el-Bechir (juin 1989). Dirigé à distance par son chef en exil, le PUD a rejoint les autres partis d'opposition au sein de l'Alliance démocratique nationale.

— Yves THORAVAL

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Écrit par

  • : diplômé de l'Institut national des langues et civilisations orientales, docteur de troisième cycle

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