KIM, Rudyard Kipling Fiche de lecture
Kim (1901) est de loin le meilleur des trois romans de Rudyard Kipling (1865-1939), maître incontesté du conte et de la nouvelle. Le livre fut rédigé en 1899-1900, à l'époque de la guerre des Boers. Présenter alors l'image d'une Inde heureuse sous une administration britannique protectrice, c'était affirmer la mission civilisatrice de la nation des colonisateurs.
Kipling avait bien des raisons de situer en Inde les périgrinations de son jeune héros. Né lui-même à Bombay en 1865, il y avait vécu une petite enfance épanouie avant de connaître en Angleterre, de 1871 à 1877, une famille d'accueil qu'il détesta ; puis, entre 1878 et 1882, une école secondaire heureuse. En 1882, il retourne en Inde et passe sept années à travailler dur comme journaliste. Il publie de courts récits. Le succès est assez important pour le décider à devenir écrivain à plein temps en s'installant à Londres, en 1889. Le prix Nobel de littérature décerné en 1907 à cet écrivain de quarante-deux ans, spécialiste de l'aventure et de l'exotisme, affichant des idées politiques nationalistes et conservatrices, consacre la position éminente qu'il allait occuper jusqu'à sa mort grâce à ses nouvelles et à ses poèmes.
Une double quête
Kim est le dernier récit consacré par Kipling à l'Inde où il ne retournera plus après son départ en 1891. Orphelin, adolescent d'origine irlandaise, Kim fait sa propre éducation dans les rues de Lahore. Le roman commence par sa rencontre avec un lama tibétain ; séduit par la simplicité de ce personnage qui poursuit sa quête d'une rivière de la purification et de la guérison, Kim (qui croit devoir entreprendre lui-même la quête de ses origines et de son avenir) lui offre de devenir son chela, ou disciple. Avant de quitter Lahore, il se voit confier par un maquignon afghan une lettre pour un haut personnage qui réside à Umballa. Cette ville sera donc la première étape des deux pèlerins. Une fois la lettre remise, Kim constate que les informations contenues dans ce document vont déclencher une action militaire de grande envergure.
Le lama et son disciple voyagent ensemble, à pied et en chemin de fer, pendant quelques jours : « „Je me demande à part moi tantôt si tu es un esprit, tantôt un petit démon malfaisant“, dit le lama en esquissant un sourire./ „Je suis ton chela.“ Kim vint se mettre au pas à ses côtés, adoptant l'allure indescriptible des grands marcheurs partout dans le monde. „À présent, marchons“, murmura le lama, et, le cliquetis de son chapelet accompagnant leurs pas, ils marchèrent en silence, mille après mille. Comme d'habitude, le lama était plongé dans la méditation, mais les yeux vifs de Kim étaient grands ouverts. Ce fleuve de vie, large et souriant, se disait-il, valait bien mieux que les rues étroites et encombrées de Lahore. »
L'entreprise commune est bientôt interrompue par l'aboutissement inopiné de la quête de Kim. Il s'introduit dans un campement de militaires britanniques, où il est retenu et identifié par deux aumôniers ; on reconnaît en lui le fils d'un caporal irlandais décédé, donc un sahib, à qui il s'impose de donner une bonne éducation ; et dont il s'impose aussi d'utiliser au service de l'administration anglaise la profonde connaissance du pays qui est le sien.
Kim sera instruit, aux frais du lama, dans la meilleure école chrétienne de l'Inde. D'abord rétif, il se résigne à son avenir de sahib employé par les autorités britanniques ; ses supérieurs appartiennent officiellement au service cartographique, mais font en réalité du contre-espionnage, et forment l'adolescent pour lui permettre de collaborer à leurs activités. À la fin de ses études, Kim voyage de nouveau avec le lama, tout en accomplissant une mission difficile et dangereuse. Le lama, éprouvé après de dures[...]
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Écrit par
- Sylvère MONOD : professeur émérite de l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
Classification
Média