KISH
L'ancienne ville de Kish, située à une vingtaine de kilomètres à l'est de Babylone, est un des grands sites mésopotamiens de la première moitié du ~ IIIe millénaire. À en croire la Liste royale, elle aurait été le siège de la première dynastie « d'après le Déluge ». Elle jouit en tout cas d'un prestige considérable, puisque ses rois peuvent être amenés à arbitrer certains des grands conflits de l'époque, comme celui qui oppose les cités-États de Lagash et d'Umma. En effet, les diverses principautés qui se partagent alors le pays ont des intérêts antagonistes et n'hésitent pas à se faire la guerre pour assurer leur expansion. Dans cette lutte pour l'hégémonie, le titre du « roi de Kish » est spécialement prisé, parce qu'il implique le contrôle de toute la frange nord de la plaine alluviale, où le peuplement est plutôt sémite (tandis qu'il est plutôt sumérien dans le sud). Sargon, le premier souverain à unifier le pays de façon durable (vers ~ 2340), est d'ailleurs un Sémite originaire de Kish, mais, au lieu d'associer le ville à son exceptionnel destin, il préfère implanter sa capitale sur un site des environs, Agadé. Kish subsiste néanmoins, conservant même une certaine importance, mais la ville ne retrouve jamais un rôle de premier plan.
Les ruines de la ville (sous les noms d'Ingharra et d'Uheimir) furent l'objet de diverses fouilles, françaises d'abord (H. de Genouillac, 1912), puis anglo-américaines (S. Langdon, E. Mackay, C. Watelin, 1923-1933). Quelques tessons peints témoignent d'une occupation dès l'époque Obeid (~ Ve millénaire et début du ~ IVe), mais les plus anciennes couches reconnues ne remontent pas au-delà de la fin de l'époque prédynastique, vers ~ 3000. Les principaux vestiges dégagés datent cependant de l'époque des dynasties archaïques, de ~ 2800 à ~ 2300 environ.
Le Palais sumérien (un des plus anciens édifices palatiaux de Mésopotamie), partiellement exploré, comprenait à l'origine une entrée monumentale précédée d'un emmarchement et un grand corps de bâtiments aux façades décorées de redans. Les pièces, nombreuses, se répartissent autour d'un espace carré, peut-être couvert, tandis qu'un long couloir périphérique contribue à assurer leur éclairage. Un second corps de bâtiment, ajouté par la suite, se distingue par une grande pièce dotée d'un alignement de colonnes axial et par une large entrée donnant sur l'extérieur par un portique.
Le palais P, un peu plus récent peut-être, est un vaste édifice qui s'abrite derrière de puissants murs à redans. Dans la partie en forme de triangle qui nous est parvenue, on reconnaît une entrée et une grande cour carrée desservant diverses unités de service, entre autres les cuisines.
De la même époque datent encore deux volumineux massifs en brique imparfaitement conservés et deux séries de tombes. Dans certaines d'entre elles, parmi les plus riches (cimetière Y), un char et son attelage accompagnaient le défunt. Quelques vestiges plus récents sont également à signaler : une ziggourat, construite peut-être par Hammurabi (~ xviiie s.), dont les ruines dominent toujours le site, et deux temples néo-babyloniens (~ Ier millénaire).
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Écrit par
- Jean-Daniel FOREST : docteur en archéologie, chargé de recherche au C.N.R.S.
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