KITANO TAKESHI (1947- )
D'abord révélé à l'étranger, notamment en 1993 au festival international du film de Cannes pour son quatrième film, Sonatine, Kitano Takeshi est une personnalité singulière dans la cinématographie japonaise. Né en 1947, il est plus jeune que les cinéastes de la nouvelle vague, notamment que Oshima Nagisa qui le dirigea comme comédien dans Merry Christmas Mr. Lawrence (Furyo, 1983). Il est plus âgé que les « jeunes » cinéastes, touchés de plein fouet par la crise de l'industrie cinématographique japonaise. Adulé du public pour ses interventions télévisuelles, notamment en duo, comme artiste de manzaï, défenseur d'un comique satirique, Kitano a réalisé ses cinq premiers films dans l'indifférence critique et commerciale générale. C'est avec ses deux œuvres les plus autobiographiques : Kids Return (1996) sur les choix de l'adolescence, et Hana-bi (1997) sur la confrontation prochaine avec la mort de l'épouse aimée, qu'il accède dans son pays à la reconnaissance.
Son premier film, Violent Cop (1989), où il remplace au pied levé un metteur en scène, en réécrivant immédiatement le scénario, montre un début remarquable de maîtrise cinématographique, une capacité d'approfondissement de personnages complexes, notamment dans leur rapport à la violence. C'est avec cette violence que Kitano Takeshi prend ses distances dès ce film, comme plus tard dans Boiling Point (1991) ou Sonatine, par la dérision et le refus de toute ritualisation. Il va exprimer ainsi son originalité dans une cinématographie où se multiplient les films d'action, centrés sur des personnages de yakuza, dévorés par le pouvoir et la compromission. Si lui-même interprète de tels personnages dans ses propres films (mais il ne joue pas dans A Sceneat the Sea, 1991, et Kids Return, deux films sur l'adolescence), il se détourne des effets, des clichés, des règles reconnues de la dramatisation, pour jouer avec les genres, pratiquer la digression, la bifurcation, le détournement. Dans Hana-bi, son plus grand film, il est là encore un homme confronté à la violence, mal dans sa peau, parce que beaucoup plus profondément atteint par une émotion personnelle, la disparition annoncée de la femme qu'il aime, victime de la maladie. Manipulant le temps du montage, les affrontements physiques ou psychologiques, les échappées vers le rêve, mais sans jamais dominer le spectateur, Kitano Takeshi s'affirme comme un metteur en scène majeur. Son ironie du désespoir, sa liberté de regard, son refus des formules acquises, son attitude tantôt extériorisée, tantôt intériorisée suivant un dispositif imprévisible, entraînent le cinéma japonais vers des territoires qui lui étaient inconnus. Mélangeant les cultures traditionnelles et modernes de son pays, Kitano Takeshi, avec son humour dévastateur, sa mise en œuvre cinématographique déstabilisante, se met lui-même en scène dans Takeshi's (2005), où il apparaît sous son surnom de Beat Takeshi, et dans Glory to the Filmmaker (2007). Achille et la tortue (2008) évoque son œuvre de peintre, tandis qu’Outrage(2010) renoue avec le film de yakuza, le genre qui a fait sa célébrité.
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Écrit par
- Hubert NIOGRET : critique de cinéma
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