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KIYONAGA TORII (1752-1815)

Le dessinateur d'estampes, le peintre, l'illustrateur que fut Torii Kiyonaga, compte parmi les artistes les plus accomplis du mouvement Ukiyo-e. Et son œuvre gravé passe généralement pour avoir déterminé l'apogée de la xylographie japonaise.

Si la plupart de ses peintures et dessins ont trait au monde théâtral, sa célébrité tient surtout à sa conception de l'éternel féminin. Aussi loin du rêve éthéré de Harunobu (1725-1770) que de la sensualité d'Utamaro (1754-1806), et sans rapport avec les mœurs corrompues du temps, sa vision du monde s'inscrit entre l'idéalisme et le réalisme, dégageant une grandeur sereine, un équilibre parfait, bref un véritable classicisme.

Kiyonaga et l'atelier des Torii

Fils d'un libraire d'Edo (l'actuelle Tōkyō), Torii Kiyonaga entra très jeune dans l'atelier des Torii, l'école la plus traditionaliste du mouvement Ukiyo-e, dont l'activité principale concernait le théâtre de kabuki.

Son fondateur, Torii Kiyonobu (1664-1729), avait su créer, pour la représentation d'acteurs, une expression particulièrement adaptée, synthèse de la grandiloquence propre au kabuki et d'une vigueur à la manière de Moronobu (mort vers 1695). Le dynamisme s'y trouvait heureusement servi par le procédé traditionnel du hyōtan-ashi (jambe en forme de calebasse) et le mouvement, par celui du mimizu-gaki (dessin de ver).

Kiyomasu (1694-1716 ?), qui dirigea ensuite l'atelier Torii, insuffla de l'élégance au style acquis. Mais cette alliance de grâce et de vitalité dégénéra bientôt, chez ses successeurs directs, par manque d'imagination et pieux conformisme : le rythme devint agitation et l'élégance, mièvrerie. Le succès de l'atelier n'en fut pourtant pas démenti, car le public initié d'Edo avait le goût conservateur ; le rendu conventionnel d'attitudes scéniques comblait son attente, et, quant à signaler l'identité des acteurs, le blason y suffisait.

Après cet interrègne, Kiyomitsu (1735-1785) s'imposa comme le chef de l'atelier et perpétua, telle quelle, la tradition de l'école, réservant le meilleur de son talent à une production en marge du théâtre : de nombreux portraits féminins à la grâce alanguie, dans la veine de Harunobu.

À l'époque où Kiyonaga débute chez Kiyomitsu, le courant réaliste de l'ère Anei (1772-1780) ébranle les vieilles traditions et engage l'estampe dans des voies nouvelles. Ippitsusai Bunchō (1725-1794) et surtout Katsukawa Shunshō (1726-1792) créent le vrai portrait d'acteur, par individualisation des traits ; en outre, ils élargissent la formule en présentant les vedettes non plus seulement sur scène, mais aussi à la ville et dans la vie quotidienne. Cette innovation intéresse vivement le jeune Kiyonaga, qui subit l'influence de Shunshō dès 1778 ; il le dépassera même bientôt dans cette intention réaliste. Si Shunshō concentre exclusivement son attention sur l'acteur, Kiyonaga, sans aller plus avant dans l'étude psychologique, soigne davantage la composition et veille particulièrement à la véracité du cadre.

Quand Kiyomitsu mourut, la réputation de Kiyonaga était à son zénith, si bien que tous le réclamèrent comme successeur. Après de longues hésitations, à contre-cœur, Kiyonaga accepta cet honneur et cette responsabilité : autrement dit, une tâche prestigieuse qui le contraignait à dépouiller son originalité pour rester dans la tradition, les Torii étant les peintres officiels du kabuki.

Dans ses nouvelles fonctions, en effet, il abandonna peu à peu toute activité personnelle, pour assumer ce qui, aux yeux des Torii, faisait le privilège de leur chef, c'est-à-dire la peinture de grandes affiches, la confection et l'illustration de programmes et de billets de théâtre.

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Écrit par

  • : conservatrice des collections Japon, Chine et Corée aux Musées royaux d'art et d'histoire, Bruxelles, gestionnaire des musées d'Extrême-Orient

Classification

Média

<it>Courtisanes du quartier réservé</it> de Torii Kiyonaga - crédits :  Bridgeman Images

Courtisanes du quartier réservé de Torii Kiyonaga

Autres références

  • JAPON (Arts et culture) - Les arts

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    • 35 médias
    ...(1725-1770) à une image de fragilité extrême. Mais le réalisme reprit très vite ses droits et trouva son classicisme dans les années 1780 avec Torii Kiyonaga (1752-1815) notamment. Enfin, hormis une brève éclipse dans les années 1790, il devait dominer seul au xixe siècle, mais sous une figuration...