KUROSAWA KIYOSHI (1955- )
Dans les années 1980, alors que l’industrie cinématographique japonaise est en déshérence, des genres cinématographiques sont nés qui ont adopté une certaine forme propre à satisfaire un nouveau marché en développement (fantastique, films de yakuzas…). Des cinéastes comme Kurosawa Kiyoshi ont su profiter de ce cadre initial pour développer peu à peu une œuvre personnelle, inégale et passionnante, qui a appris à ruser avec l’industrie. De Cure à Real, au fil de plus de trente films en trente-cinq ans d’activité, il a ainsi bâti un univers profondément mental. Notre réel, mélange de technologie et de peurs archaïques, s’y voit tout à la fois questionné et recréé.
La survie et l’oubli
Kurosawa Kiyoshi est né à Kōbe (Japon) le 19 juillet 1955. Alors qu’il suit des études de sociologie, il commence à s’intéresser de près au cinéma. Il donne dès 1980 Vertigo, tourné en 8 mm, une parodie des films de gangsters. The Excitement of the Do-Re-Mi-FaGirl (Do-re-mi-famusume no chi wa sawagu, 1985), qui explore le concept de la honte dans la société traditionnelle japonaise, marque un premier pas en direction de la thématique future du cinéaste. À partir de 1988, c’est le début d’une production abondante, aussi bien pour le marché de la vidéo que pour les séries de télévision.
Même s’il travaille à l’intérieur de genres de série B très codés et fermés, comme le polar ou le film d’horreur, il y a toujours chez Kurosawa Kiyoshi une grande pertinence dans sa lecture du monde, associée à une vision très pessimiste du Japon. Ainsi, Le Chemin du serpent (Serpent’s Path / Hebi no michi, 1998) est un film désespéré, sans autre horizon que la destruction dans un Japon aux petites rues dénuées de vie. Vaine illusion (Oinaru genei, 2000) offre au regard un pays gris, métallique, sans chaleur ni sensualité. Le Gardien de l’ombre (The Guard from the underground / Jigoku no keibiin, 1992), avec sa métaphore évidente sur les discriminés du Japon, est un des films les plus révélateurs de la vision très sombre de Kurosawa. Quant au jeune homme de License to Live (Ningen gokaku, 1998) il tente en vain de reconstituer une famille désintégrée. À l’image de plusieurs des personnages du metteur en scène, il souffre d’amnésie après dix ans de coma.
Le travail de la mémoire, ses détours et ses résurgences, joue en effet un rôle clé dans la narration de ses films. Dans The Revenge 1 : A Visit from fate (Fukushu – Unmei no homonsha, 1997), elle constitue le thème dominant : quelques années après l’assassinat de ses parents par des mafieux, un jeune inspecteur de police est confronté à son passé, et à la réalisation d’une vengeance. The Revenge 1 et sa suite, The Revenge 2 (1997), jouent complètement le jeu du film de yakuzas : sécheresse et efficacité du style, peinture des personnages avec leurs anormalités, tout droit sortis des meilleures séries B américaines ou japonaises, mais échappant cependant à la codification habituelle.
Ailleurs, le cinéaste choisit de prendre à bras le corps le genre dans lequel il se coule, quitte à le décaler, comme on le voit avec Cure(1997). À cet égard, le film marque un tournant : les contraintes formelles du genre y passent au second plan, s’effaçant derrière les personnages et leur cheminement psychologique. Suit yourself or shoot yourself ! : The Hero (Katteni shiyagare ! Eiyu keikaku, 1996), avec ses yakuzas en toile de fond, n’est pas loin de la politique où règnent toujours les mauvais garçons, et la communauté de pauvres, de discriminés modernes (ceux qui n’appartiennent pas au capitalisme en marche, et que certains voudraient voir éliminés) donnent au film un statut aussi imprévisible que son personnage, entre peinture sociale, comédie, et évocation d’une criminalité réelle ou fantasmée.
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Écrit par
- Hubert NIOGRET : critique de cinéma
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JAPON (Arts et culture) - Le cinéma
- Écrit par Hubert NIOGRET
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