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GRÜBER KLAUS MICHAEL (1941-2008)

Géant au visage mangé par une barbe épaisse, les sourcils fournis, le regard tantôt joyeux, tantôt mélancolique, mais toujours empreint d'une tendresse et d'une humanité profondes, semblable à la seule image qu'il ait laissée de lui au cinéma (il était le clochard magnifique des Amants du Pont-Neuf de Léos Carax, 1991), Klaus Michael Grüber, décédé dans la nuit du 22 juin 2008 dans sa maison de Belle-Île-en-Mer, a signé, en un demi-siècle, quelques-unes parmi les plus belles pages de l'histoire de la mise en scène.

Les Grecs, le romantisme

Né en 1941 à Neckarelz, petite ville du Bade-Wurtemberg, il est le fils d'un pasteur, mais aussi l'enfant d'une Allemagne nazie en guerre – et frère, en cela, des Fassbinder, Handke, Botho Strauss. Après un passage au Conservatoire de Stuttgart où il se destine à être acteur, il quitte la R.F.A. à vingt-trois ans. En Italie, il rejoint un maître de la scène, Giorgio Strehler, le fondateur du Piccolo Teatro de Milan. Il est d'abord son assistant, avant de réaliser en 1968 sa première mise en scène avec Le Procès de Jeanne d'Arc à Rouen, de Bertolt Brecht et Anna Seghers. Dès lors, il s'engagera chaque fois sur des chemins non convenus, quitte à susciter, dans un premier temps, l'incompréhension. De fait, un an plus tard, le scandale provoqué par sa mise en scène d'Off Limits d'Arthur Adamov le contraint à quitter Milan. Il regagne l'Allemagne, travaille à Francfort, Stuttgart, Brême, où il se confronte pour la première fois à l'opéra avec Wozzeck de Berg, qu'il monte en 1971.

En 1972, aux côtés de Peter Stein et d'un collectif d'acteurs exceptionnels (Bruno Ganz, Edith Clever, Jutta Lampe), il participe à la grande aventure du théâtre de la Schaubühne à Berlin. En France, Patrice Chéreau, Georges Lavaudant, Jean-Pierre Vincent, André Engel s'en inspireront, réunissant à leur tour au sein d'une même équipe metteur en scène, dramaturges et plasticiens. Grüber, lui, s'est entouré d'un noyau auquel il restera fidèle : les peintres Eduardo Arroyo et Gilles Aillaud, le philosophe Bernard Pautrat, Ellen Hammer, son assistante... Ensemble, ils vont abandonner le cadre des salles traditionnelles pour investir des lieux insolites : un hangar du parc des expositions de Berlin-Ouest pour Les Bacchantes d'Euripide (1974) ; le monumental Stade Olympique de Berlin légué par Hitler pour Le Voyage d'hiver, d'après l'Hypérion de Hölderlin (1977) ; la chapelle Saint-Louis de l'hôpital de la Salpêtrière, à Paris, pour les cinq heures du Faust de Goethe, rebaptisé Faust Salpêtrière, deux ans plus tôt.

Après avoir révélé Grüber en France avec ce spectacle, le festival d'Automne l'accueillera régulièrement. À l'Empédocle de Hölderlin avec Bruno Ganz, en 1976, succède un Faust, qui donne toute sa place à l'acteur phare du théâtre allemand, Bernhard Minetti, en 1982. À la troublante descente dans les bas-fonds de la nuit qui marque Sur la grand-route de Tchekhov répond une Bérénice d'anthologie, à la Comédie-Française, en 1984. Suivront Le Roi Lear, en 1985, Le Récit de la servante Zerline d'après Hermann Broch, avec Jeanne Moreau, en 1986, L'Affaire de la rue de Lourcine, qui dévoile la part d'angoisse cauchemardesque qui se cache chez Labiche (1988), ainsi que La Mort de Danton de Büchner, qui sonne le glas de toutes les révolutions (1989). Citons encore Amphitryon de Kleist (1991), Splendid's de Genet (1995), Le Pôle de Nabokov (1996), méditation grave et douce sur la mort dans une atmosphère irréelle. Présentés en 1998, Iphigénie en Tauride de Goethe et Les Géants de la montagne de Pirandello, avec Michel Piccoli et les élèves du Conservatoire, seront ses dernières créations théâtrales présentées en France.

Durant[...]

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Écrit par

  • : journaliste, responsable de la rubrique théâtrale à La Croix

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  • ALLEMAND THÉÂTRE

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